Déjà approuvée en avril à une large majorité, la proposition devait être officiellement entérinée vendredi, dans le cadre du sommet de l’Organisation maritime internationale (OMI), une agence de l’ONU de 176 membres, qui débute mardi à Londres.
Le texte permettrait au secteur, extrêmement polluant, d’opérer un virage climatique historique en contraignant les navires à réduire progressivement leurs émissions de carbone dès 2028, jusqu’à décarbonation totale vers 2050.
Mais en se positionnant vendredi « catégoriquement » contre la proposition, jugeant ses répercussions économiques potentiellement « désastreuses », les Etats-Unis de Donald Trump pourraient tout faire dérailler.
Washington « ne tolérera aucune mesure susceptible d’augmenter les coûts pour nos citoyens, nos fournisseurs d’énergie, nos compagnies maritimes et leurs clients, ou encore nos touristes », écrivent le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio et ses homologues à l’Energie et aux Transports dans un communiqué.
Ils vont jusqu’à menacer les pays qui voteraient en faveur du projet, avec des restrictions de visas pour les membres de leurs équipages, « des pénalités commerciales » ou « des frais portuaires supplémentaires ».
– « Influence américaine » –
En avril dernier, 63 pays avaient voté pour cette proposition (baptisée cadre « zéro émission net » ou NZF), dont ceux de l’Union européenne, le Brésil, la Chine, l’Inde et le Japon, et 16 s’étaient prononcés contre, notamment des grands producteurs d’hydrocarbures tels l’Arabie Saoudite, la Russie et les Emirats arabes unis.
Elle avait été jugée très insuffisante par les Etats insulaires du Pacifique, qui s’étaient abstenus.
Les Etats-Unis n’avaient pour leur part participé ni aux discussions, ni au vote.
L’UE a maintenu lundi son entier soutien à la proposition, tout comme les Britanniques, interrogés par l’AFP.
Les menaces américaines pourraient affecter d' »autres pays malheureusement plus sensibles à l’influence américaine et qui seraient touchés par ces rétorsions », reconnaît une source européenne auprès de l’AFP.
« Nous sommes toujours optimistes sur le résultat mais ce sera sans doute plus serré que précédemment, avec un risque plus élevé d’abstention », ajoute-t-elle. Le consensus, d’habitude la norme dans cette assemblée, est d’ores et déjà écarté.
Les Philippines, qui fournissent le premier contingent mondial de travailleurs liés au secteur maritime et favorables au NZF en avril, souffriraient par exemple particulièrement des restrictions au niveau des visas.
Les îles des Caraïbes, dépendantes économiquement des croisières américaines, pourraient aussi être affectées par des sanctions.
– « Arnaque » –
Interrogé par l’AFP, le secrétaire général de l’OMI, Arsenio Dominguez, n’a pas souhaité réagir directement à la déclaration américaine, maintenant qu’il était « très confiant » quant au vote final.
Le NZF vise à faire payer aux bateaux une sorte de taxe sur leurs émissions au-delà d’un certain seuil, en vue d’alimenter un fonds qui récompensera les navires à faibles émissions et soutiendra les pays vulnérables au changement climatique.
Si un tel système mondial de tarification des émissions était adopté, il deviendrait difficile d’y échapper, même pour les Etats-Unis, car les conventions de l’OMI permettent à leurs signataires d’inspecter les navires étrangers en escale et même de retenir les bateaux qui ne sont pas en règle.
Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump, très attaché aux énergies fossiles, a enclenché une marche arrière toute en matière de climat.
Il a récemment rejeté les conclusions scientifiques sur le sujet et qualifié le « changement climatique » de « plus grande arnaque » de l’Histoire.




