Dans l’est de la Guyane, nouvelles méthodes pour « éradiquer » l’orpaillage illégal

Camopi (France), 7 fév 2025 (AFP) – L’hélicoptère des forces armées survole l’étendue de la forêt amazonienne guyanaise, le long de la frontière avec le Brésil. Les pilotes, habitués à repérer les sites d’orpaillage depuis les airs, montrent des camps difficiles à discerner pour les non-avertis.

Un changement de couleur de l’eau, une trouée dans la canopée peut leur indiquer la présence de garimpeiros, orpailleurs illégaux d’origine brésilienne. Parfois, un point blanc dans l’immensité verte ne laisse pas de place au doute.

« Ils sont trahis par leurs antennes Starlink », le service de connexion par satellite leur permettant d’avoir du réseau internet, explique un pilote des Forces armées guyanaises (FAG).

Depuis des années, le département français d’Amérique du Sud est le théâtre d’une lutte perpétuelle entre orpailleurs clandestins et forces de l’ordre. Avec un succès tout relatif: 400 sites illégaux étaient recensés en 2024, selon des chiffres de la préfecture.

Mais en octobre, les forces de sécurité – gendarmerie et FAG conjointement – ont lancé une nouvelle opération baptisée Kapalu dans le bassin de la rivière Camopi, qui traverse la commune du même nom, à la frontière avec le Brésil.

Le but: « éradiquer l’orpaillage » dans la zone, détaille le général Jean-Christophe Sintive, commandant de la gendarmerie en Guyane.

Pour cela, 150 militaires et gendarmes ont été déployés pendant six semaines dans cette région isolée de 3.000 km2, accessible uniquement par les airs et le fleuve, pour détruire l’intégralité des chantiers recensés.

Le maintien de plusieurs patrouilles sur place pour limiter le retour des garimpeiros a suivi cette « phase de destruction systématique ». Et ça marche, assurent les autorités.

« En 2019, l’est guyanais concentrait 20% de l’orpaillage illégal en Guyane. En 2025, c’est 3% », détaille le général Sintive, selon qui l’orpaillage est devenu « résiduel » sur le bassin de la Camopi.

Les préjudices infligés aux garimpeiros – saisies de pirogues, d’or, de carburant… – sont estimés à environ cinq millions d’euros.

– Réponse judiciaire –

La méthode tranche avec l’opération « Harpie » lancée en 2008. Depuis longtemps, des élus locaux reprochaient aux militaires d’abandonner la zone – immense – une fois les puits illégaux et le matériel des orpailleurs détruit. Sitôt les militaires partis, les orpailleurs reprenaient leurs activités.

Des limites persistent: la réponse judiciaire, pas toujours adaptée. « Il y a un décalage entre la sophistication que requièrent les enquêtes et la dureté du milieu », pointe le procureur général près la cour d’appel de Cayenne, Joël Sollier.

En témoigne le bilan de l’opération Harpie: depuis son démarrage, onze militaires français sont morts en mission.

L’orpaillage illégal s’apparente à du « crime organisé », insiste Joël Sollier. « Il ne peut y avoir qu’une organisation qui achemine 400.000 litres de pétrole chaque année, des quads en quantité, des pirogues, de la nourriture pour plusieurs centaines voire plusieurs milliers de personnes ».

Et malgré des centaines de gardes à vue chaque année, le travail de renseignement est long et interpeller les têtes de réseaux difficile.

Pourtant, la coopération avec le Brésil est bonne. C’est l’un des paramètres qui a convaincu les autorités de lancer l’opération Kapalu sur le bassin de la Camopi.

« Il y a une forte demande de la part des autorités, des élus et des chefs coutumiers », explique le préfet de la Guyane Antoine Poussier, venu fin janvier faire un premier bilan sur place.

Lors d’une visite en mars 2024, le président Emmanuel Macron avait promis « d’aller encore plus loin dans la lutte contre l’orpaillage illégal ». Neuf mois plus tard, « l’engagement est tenu, on poursuit la lutte », assure le préfet.

Mais de l’autre côté de la Guyane, à sa frontière avec le Suriname, les garimpeiros prospèrent encore, aidés par la présence d’innombrables comptoirs commerciaux susceptibles d’approvisionner les orpailleurs en vivres et matériel le long du fleuve Maroni. Les autorités assurent pourtant vouloir dupliquer là-bas aussi les méthodes de Kapalu.

Les Infos Mer de M&O

CMA CGM valide la construction en Inde de 6 porte-conteneurs de 1 700 EVP dual-fuel au GNL

CMA CGM devient la première grande compagnie maritime internationale de transport par conteneurs à conclure un accord pour six nouveaux navires propulsés au...

Nodens : du vent dans les voiles, du whisky en cale (entretien avec Tristan Botcazou)

La devise de Nodens pourrait être "Fluctuat Nec Mergitur". A peine lancée, cette nouvelle entreprise bretonne de whisky transporté à la voile fait...

« Les ports ne peuvent plus subir la transition énergétique, ils doivent la piloter »

Par Loïc Espagnet - Président de SeaBridges Dans un secteur portuaire en pleine mutation, SeaBridges se pose comme un nouvel acteur animé par une ambition...

L’Axe Seine réinventé : un ouvrage collectif explore le lien entre Paris, Rouen et Le Havre

Une nouvelle parution consacrée à la colonne vertébrale logistique française Un nouvel ouvrage, intitulé L’Axe Seine réinventé, vient de paraître. Il plonge au cœur...

La crise de la pêche en Mauritanie peut-elle s’étendre au Maroc ? (par Gabriel Robin)

À Nouadhibou, poumon halieutique de la Mauritanie, les poissons se raréfient de plus en plus. Dans un reportage publié le 31 juillet 2025,...

« Ma connaissance pointue du nautisme me permet d’accompagner l’ensemble des professionnels du secteur » (Entretien avec Julie Leveugle)

Navigatrice expérimentée et amoureuse de l’Océan, Julie Leveugle a fait de sa passion un métier : celui de rédactrice web SEO au service des...

Plus de lecture

M&O 288 - Septembre 2025

Colloque Souveraine Tech du 12 sept 2025

Alors qu'il était Premier Consul, Napoléon Bonaparte déclara le 4 mai 1802 au Conseil d'État, "L’armée, c’est la nation". Comment ce propos résonne t-il à un moment de notre histoire où nous semblons comprendre à nouveau combien la nation constitue et représente un bien à défendre intelligemment ? Par ailleurs, si la technologie est le discours moral sur le recours aux outils et moyens, au service de qui ou de quoi devons-nous aujourd'hui les placer à cette fin, en de tels temps incertains ? Cette journée face à la mer sous le regard de Vauban sera divisée en tables rondes et allocutions toniques.

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.