Officiellement mis à flot jeudi, le numéro de coque M840 est le deuxième d’une série de douze navires commandés par la Belgique et les Pays-Bas -six pour chaque pays- pour renouveler leur flotte de lutte contre les mines navales.
Le contrat passé en 2019 avec les français Naval Group ainsi qu’avec Exail pour la partie drones représente près de deux milliards d’euros.
Les deux pays, références au sein de l’Otan en matière de guerre des mines, ont développé un concept gigogne, pour l’heure sans équivalent dans le monde.
« Jusqu’à présent la chasse aux mines consistait à rentrer dans le champ de mines, le navire faisant lui-même l’opération de détection, exposant l’équipage », explique Jean-Michel Orozco, directeur de la guerre des mines chez Naval Group.
Ce navire de nouvelle génération, de 83 mètres de long pour 2.800 tonnes, est lui conçu comme un « bateau-mère », restant à distance de sécurité, à plusieurs kilomètres d’une zone potentiellement minée. De là, ils déploie une vedette sans équipage de douze mètres, dans des vagues pouvant aller jusqu’à 4 mètres de haut.
Ce drone de surface remorque un sonar ou déploie un drone sous-marin autonome pour aller détecter d’éventuelles mines ou un autre drone qui ira se faire exploser contre la mine identifiée.
A quelques mètres du Vlissingen est amarré l’Ostende, premier navire de la série. Dans ses entrailles, les postes à souder et les meuleuses des ouvriers dégagent une odeur de métal brûlé, un entrelacs de câbles pendant des plafonds.
– Six navires pour la France –
Un grand hangar, pour l’instant vide, constitue la plus grande des poupées russes de l’Ostende. A l’intérieur les drones, en formes de torpilles, sont entreposés sur des mezzanines et déposés par des ponts roulants sur les vedettes qui sont mises à la mer depuis les deux immenses portes situées de chaque côté du navire. Deux marins suffisent pour mettre en oeuvre les systèmes, détaille Eric Perrot, responsable du programme belgo-néerlandais chez Naval Group.
Les opérateurs chargés d’analyser les images sonar envoyées par les drones sont eux à l’abri dans le « central opérations » du navire, dont le plancher est suspendu pour mieux les protéger en cas d’explosion sous-marine.
« Un champ de mines, c’est pas indiqué avec une pancarte, donc ces navires sont quand même durcis » pour les protéger, explique Jean-Michel Orozco.
L’empreinte acoustique, électromagnétique et électrique du navire -autant d’éléments susceptibles de faire détonner une mine- est réduite.
La France, qui développe son propre concept de drones de lutte contre les mines avec le Royaume-Uni, a annoncé le 30 août qu’elle rejoignait le programme de chasseurs de mines belgo-néerlandais. Paris doit ainsi commander en 2024 six de ces bateaux mères, appelés dans le programme français bâtiments de guerre des mines (BGDM).
Les trois pays avaient déjà collaboré dans les années 1980 pour développer les chasseurs de mines tripartite (CMT) qui équipent encore les trois marines.
Pour le PDG de Naval Group, Pierre-Eric Pommellet, « la guerre en Ukraine a démontré le retour de la guerre des mines » : les Ukrainiens sont soupçonnés d’avoir miné leurs côtes au début du conflit pour empêcher un éventuel débarquement, les Russes d’en avoir disséminé en mer Noire pour bloquer les exportations ukrainiennes, notamment de céréales.
En septembre 2022, un navire roumain de lutte contre les mines a ainsi été endommagé par une mine dérivante qu’il tentait de neutraliser. Depuis le début du conflit, plus de 80 engins ont été découverts dans les seules eaux territoriales roumaines, selon les autorités.
Câbles internet sous-marins, champs d’éoliennes offshore ou transport maritime qui représente 90% des échanges mondiaux : « tout cela dépend d’une mer libre (d’accès) et de fonds marins sécurisés », rappelle le chef d’état-major de la marine néerlandaise, l’amiral René Tas.
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