En Bretagne, des gendarmes traquent les bandits de l’environnement

« Des particuliers ont fait abattre sans autorisation des pins maritimes et des érables sycomores pour garder la vue sur la mer, alors qu’on est sur un site archi protégé », tance le gendarme de 44 ans, alerté par le Conservatoire du littoral. « On s’oriente vers une décision de justice avec une replantation ».

Enquêteur spécialisé dans l’environnement depuis 2013, il passe ses journées à traquer les pollueurs et saboteurs de paysage depuis que sa hiérarchie a donné son feu vert à la création, en septembre 2020, d’une cellule expérimentale « de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique ». Cette initiative du groupement de gendarmerie des Côtes-d’Armor est « une première » en France, confirme à l’AFP la Région de gendarmerie de Bretagne. Deux gendarmes sont aux manettes, un troisième est espéré.

« Avant, je faisais cela en plus des autres tâches. Aujourd’hui j’y passe tout mon temps », raconte M. Choquet dans un bureau dont le butin s’étoffe, entre tortues marines accrochées au mur, bouteilles de sulfosate prohibé, ou peau de zèbre issue du braconnage.

A l’entrée, la devise des forces spéciales britanniques SAS (Special Air Service), « Who dares wins » (Qui ose, gagne), donne le ton. « On s’attaque à tout le panel d’infractions au code de l’environnement. Il y a 25 polices spéciales », poursuit l’adjudant, qui tire sa motivation d’une enfance passée « sur les remblais radioactifs de la Cogema », dans le Limousin.

Entre pollutions diverses, décharges sauvages, pesticides, ventes d’espèces animales protégées et protection animale dans les élevages, la jeune cellule a du pain sur la planche. Elle devrait d’ailleurs « tôt ou tard » être associée au dossier des cadavres de porcs en putréfaction, filmés récemment par l’association L214 dans un élevage costarmoricain.

-« casser ce marché »-

Les algues vertes dépassent en revanche ses compétences, les « grosses affaires » étant réservées aux enquêteurs de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), avec qui la cellule est en lien direct.

Depuis sa création, officiellement pour une expérimentation d’un an, une soixantaine de procédures ont été traitées. Parmi les grosses prises, la saisie de l’équivalent de 5.000 euros de produits phytopharmaceutiques et du pulvérisateur porté d’un agriculteur « récidiviste », connu pour ses « mauvaises pratiques » d’épandage. « Il y a une prise de conscience collective depuis dix ans. On voit qu’aujourd’hui la justice ne pardonne plus ce type d’infractions », constate M. Choquet.

Une partie du travail consiste à faire de la « cyberpolice » sur des sites à la recherche de ventes illicites d’espèces animales protégées ou de plantes invasives dont la réintroduction dans la nature serait catastrophique. La dernière trouvaille est un bénitier de Madagascar. Le mollusque trône dans une vitrine aux côtés de crocodiles, d’une vertèbre de baleine, d’un pangolin, d’un rostre de requin scie et de statuettes en ivoire.

« En allant sur internet, on se rend compte qu’il y a un marché énorme », témoigne le gendarme Laurent Tesson. « Certaines espèces se vendent très vite, comme la chouette qui reste rarement plus de trois jours en ligne. Le but est d’essayer de casser ce marché », ajoute le cyber-gendarme, rappelant que la plupart des vendeurs cherchent d’abord à se débarrasser de vieilleries dans leur grenier.

Les sollicitations viennent aussi des services de la préfecture, du parquet et des autres brigades, comme ce dossier de construction illégale sur le Léguer, un cours d’eau à saumons emblématique du département.

« C’est une chance d’avoir ces gendarmes », reconnaît Quentin Le Hervé, garde du Conservatoire du littoral. « J’ai beau avoir un pouvoir de police, quand ma journée consiste à débroussailler je ne peux pas faire de la surveillance », explique-t-il, en espérant que l’initiative essaimera « dans d’autres départements ».

hdu/db/zl

SAS

AREVA

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