En Martinique, les raisons de la vie chère, au coeur des tensions

Fort-de-France, 19 sept 2024 (AFP) – La Martinique est en proie à une vague de violences contre la vie chère, quinze ans après une grève générale qui avait paralysé les Antilles. Comme dans les autres départements et régions d’outre-mer (DROM), le coût de la vie y demeure bien plus élevé qu’en métropole.

– La vie chère, une réalité

Le différentiel des prix entre DROM et métropole est considérable, selon les données de l’Insee en 2022: +16% en Guadeloupe, +14% en Martinique ou encore +9% à la Réunion. Le fossé est encore plus marqué concernant l’alimentaire, avec des prix 40% plus élevés en Martinique.

Sur cette île des Caraïbes, où vivent environ 350.000 habitants, 44.300 ménages se situaient en 2017 sous le seuil de pauvreté (avec moins de 1.010 euros par mois), soit 27% de la population. C’est près de deux fois plus qu’en métropole (14,4%), indiquait l’Insee dans un rapport publié en 2023.

– Comment expliquer cet écart ?

Une taxe douanière, appelée « l’octroi de mer », est au coeur des critiques. Cette taxe spécifique s’applique aux importations en Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et la Réunion.

Elle « sert théoriquement à protéger la production locale pour autonomiser ces territoires, et surtout à financer les collectivités locales », explique Frédéric Ducarme, secrétaire général de la Chaire Outre-mer de Sciences Po.

« Mais lorsque les taux d’octroi de mer s’appliquent à des produits d’importation qui n’ont pas leur équivalent localement, on aboutit à des situations absurdes. Les gens ont besoin d’acheter des produits importés, qui sont ceux qui coûtent le plus cher », observe Ivan Odonnat, président de l’Iedom, l’organe de la Banque de France dans les territoires d’Outre-mer.

En 2022, selon la Cour des comptes, cette taxe a généré 1,64 milliard d’euros de recettes pour les cinq DROM, apportant notamment 32% des ressources des communes. Revers de la médaille, cette imposition dope les prix.

Bien qu’il n’en soit pas la seule cause, « l’octroi de mer participe de façon significative » à la cherté de la vie, notait le patron de la Cour, Pierre Moscovici.

– Transports, distributeurs… les autres facteurs

Le coût du transport des marchandises est un autre facteur de cherté, sur une île vers laquelle les importations par la mer ou les airs présentent un coût incompressible.

A cela s’ajoute la question de la concurrence, notamment chez les distributeurs. « Vous avez trop de situations où vous avez un ou deux acteurs dominants qui ont le pouvoir, qui fixent leur prix », affirme Ivan Odonnat.

Bref, pour Frédéric Ducarme, l’octroi de mer est davantage un « bouc émissaire ».

– Quelles solutions ?

Supprimer purement et simplement cette taxe « n’alignerait probablement pas comme par magie les prix sur ceux de l’Hexagone », estime ce dernier.

« Le problème est que si on la supprimait, il faudrait la remplacer par une TVA, qui elle toucherait aussi les productions locales », ajoute-t-il.

Dans son rapport de mars 2024, la Cour des comptes préconisait une réforme « en profondeur » de cet impôt, jugé « à bout de souffle ».

Le conseil exécutif de la Martinique s’est prononcé le 11 septembre en faveur de la « suppression des taux d’octroi de mer sur 54 familles de produits ». Lundi, son président Serge Letchimy a écrit à Michel Barnier pour réclamer « le blocage des prix », « la suppression de la TVA sur les 54 familles de produits » ou encore « l’encadrement des marges des importateurs, grossistes et distributeurs ».

L’Etat, les distributeurs et collectivités ont pour objectif une « baisse de 20% en moyenne du prix » de 2.500 produits de première nécessité.

Au-delà de cette solution de « court terme », « il faudra tout remettre à plat », juge le président de l’Iedom.

« Dans la durée, si vous voulez un modèle économique qui génère de l’activité et vous permet d’apporter les biens à des prix acceptables, il faut changer de modèle », estime Ivan Odonnat, qui préconise « davantage de concurrence », « une fiscalité cohérente et stable », ainsi qu’une réflexion sur des routes d’approvisionnement moins lointaines.

Après la flambée de violences de 2008, déjà sur ce même thème, « on voit que le sujet est plus difficile encore à traiter aujourd’hui, parce qu’il y a le sentiment que les solutions identifiées à l’époque n’ont pas fonctionné », constate Ivan Odonnat. « Ca demande de la réflexion, de la discussion, des efforts qui n’ont pas suffisamment eu lieu jusqu’à présent. »

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