En Nouvelle-Calédonie, sécheresse et vents violents attisent une saison des feux à rallonge

Nouméa, 10 jan 2024 (AFP) – Attisée par une sécheresse extrême et des vents soutenus, la saison des incendies s’éternise en Nouvelle-Calédonie. Les départs de feu ont battu des records en 2023, alors que l’archipel du Pacifique fait face à un cruel déficit de pompiers professionnels.

Jamais une fin d’année n’avait été aussi sèche en Nouvelle-Calédonie. Le constat y est dressé par Thomas Abinun, climatologue à Météo-France: « Ce sont les mois de novembre et décembre les plus secs depuis les premiers relevés météorologiques sur le territoire en 1960 ».

Une conséquence directe du phénomène El Niño, qui favorise sur l’archipel la sécheresse et les vents élevés.

« Selon nos projections, El Niño va se maintenir dans les mois à venir et nous avons des signaux inquiétants de sécheresse pour février et mars, qui marquent traditionnellement le retour de la pluie », poursuit M. Abinun.

De quoi aggraver l’étendue déjà inquiétante des incendies. Depuis juin, selon la Direction de la sécurité civile et de la gestion des risques de la Nouvelle-Calédonie (DSCGR), 23.000 hectares de végétation sont partis en fumée.

« C’est moins qu’en 2019, année record avec 37.000 hectares brûlés, mais les départs de feu (1.620) ont été plus nombreux, de l’ordre de 30% », précise à l’AFP le contrôleur général Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la DSCGR, qui souligne qu’un grand nombre sont d’origine humaine.

Anne Lataste, responsable de la communication scientifique pour l’Observatoire de l’environnement en Nouvelle-Calédonie (Oeil), estime que « les surfaces brûlées en 2023 sont 25% supérieures à la moyenne annuelle de la dernière décennie ».

Depuis un mois, les feux de forêt ont nécessité à trois reprises le déclenchement du plan Orsec et 200 personnes ont dû être évacuées le 13 décembre, près de Nouméa.

– « Catastrophe écologique » –

Mais c’est surtout sur le plan environnemental que les incendies inquiètent.

La semaine dernière, alors que les départs de feu s’enchaînaient, le président du gouvernement calédonien, Louis Mapou, disait y voir « les prémisses d’une catastrophe écologique annoncée » et appelait « à la vigilance et la responsabilité de tous ».

Selon Anne Lataste, les incendies sont dramatiques pour les ressources en eau, plusieurs dizaines d’incendies ayant eu lieu dans le périmètre direct des captages. « Cela aura un impact tant sur la qualité que sur la quantité de la ressource à l’avenir », note-t-elle.

L’autre danger touche la biodiversité. Quelque 160 hectares de forêt sèche, l’un des écosystèmes les plus menacés au monde dont il ne reste que de 1 à 2% de la surface originelle, ont brûlé et 60 sinistres se sont déclarés dans des zones où vivent des espèces menacées d’extinction, selon l’Oeil.

Dernier élément alarmant, « 61% des surfaces brûlées sont ce que l’on appelle des zones arbustives, c’est-à-dire les forêts de demain », souligne Mme Lataste, alors que les phénomènes de sécheresse vont se multiplier avec le réchauffement climatique, selon les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), mandatés par l’ONU.

Les pompiers, eux, fatiguent. Au point qu’une trentaine de renforts sont arrivés de métropole la semaine dernière.

La Nouvelle-Calédonie ne compte, en effet, que 650 pompiers, dont 180 professionnels, pour un territoire de la taille de quatre départements métropolitains.

Les services d’incendie et de secours de l’archipel dépendent en grande majorité des communes, qui peinent à en assumer les dépenses et se tournent vers la sécurité civile.

« Nous sommes de plus en plus souvent appelés en première intention, alors que nous ne devrions le faire qu’en renfort », relève le contrôleur général Marchi-Leccia, qui ne dispose pour tout le territoire que de 10 pompiers professionnels.

« J’ai beaucoup de camions, mais pas grand monde à mettre dedans », a regretté le patron de la DSCGR, « le système actuel est à bout de souffle ».

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