Explosion des cours du poisson: accusé saumon, levez-vous !

05H00, à la criée du Guilvinec (Finistère): après les enchères, Pascal et Pierrick manipulent des baudroies colossales comme des poupées de chiffon et découpent aussi délicatement que prestement ces diables des mers en queues de lotte, à l’aide de couteaux affutés comme des lames de rasoir.

Leurs marchandises vont alimenter les restaurants de la France entière, souvent à bon prix, car le poisson, quel que soit son espèce ou presque, a vu sa valeur grimper en flèche ces dernières années.

« Sur les 4 derniers mois, mon prix moyen de vente par rapport à l’an dernier a augmenté de 12% », explique Olivier Bigot, directeur commercial d’Ame Haslé, grossiste en produits de la mer, présent à Quimper pour une table ronde sur le sujer organisée par les assises de la pêche et des produits de la mer.

Premier coupable désigné: le saumon, dont la pénurie depuis l’asphyxie par une algue d’une énorme partie des élevages du Chili, deuxième producteur mondiale, a fait flamber les cours à partir de février 2016.

« L’impact saumon est là et même important. Mais tous les produits, même en criée, ont pris beaucoup de valeur », explique M. Bigot, dont les clients « essaient de remplacer le saumon par d’autres produits qui sont plus dans leurs prix ».

« On voit des effets de report de consommation du saumon vers le cabillaud principalement et d’autres espèces », confirme à l’AFP Jérôme Lafon, délégué filière pêche et aquaculture pour l’organisme public FranceAgriMer.

« L’année dernière, le consommateur français est venu sur la truite », principal poisson produit en aquaculture en France. « Mais cette année, on arrive à des limites de production », prévient M. Lafon, pour qui, « si la demande mondiale est en hausse, c’est aussi parce que les classes moyennes de pays émergents comme la Chine se développent ».

En Chine, « on n’est pas au niveau des gros pays consommateurs, mais si on +vend+ aux 1% des Chinois les plus aisés que le saumon est un produit haut de gamme, ça fait tout de suite 10 millions de personnes », acquiesce Sébastien Metz, économiste maritime.

– Le consommateur prêt à payer plus –

Mais le saumon n’est pas le seul à rencontrer des problèmes de disponibilité, relève M. Metz, qui souligne que le cabillaud a vu son TAC (total autorisé de capture) chuter ces dernières années de 10% dans les eaux islandaises et norvégiennes.

« On a des clients, en restauration sociale, qui faisaient deux, voire trois services de poisson frais par semaine. Désormais, ils vont faire un service de poisson frais, un service de poisson congelé et ils vont partir sur du produit élaboré, comme de la terrine », explique Olivier Bigot.

Mais ce phénomène de fièvre des prix ne touche pas que le poisson frais.

Pour Jean-François Hug, PDG du groupe Chancerelle, dans le secteur de la conserve, cette explosion des cours est partie pour être « un phénomène durable »: « la pêche sauvage est en stagnation. L’aquaculture augmente mais ça ne concerne pas la conserve pour laquelle la demande mondiale est en très forte hausse ».

« Il y a des pistes », estime-t-il toutefois. Il compte notamment sur les Etats généraux de l’Alimentation (EGA) pour trouver des solutions avec les distributeurs. Estimant que ce type de produit reste abordable pour le consommateur, même avec quelques centimes d’augmentation, il souhaite « remettre en route un seuil de revente à perte (SRP) ». Il ne pointe pas du doigt les distributeurs mais la dérive de certaines pratiques comme les ventes à perte et les promotions trop fortes.

« Les prix augmentent, malgré tout, le client accepte de payer de plus en plus cher le poisson », indique Olivier Costantin, responsable marketing produits de la mer, chez U.

« On est prêts à acheter une marchandise plus chère, à condition d’avoir une marchandise plus généreuse », explique-t-il, avant, de déplorer, dans la foulée: « C’est compliqué de trouver du poisson ».

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