Golfe de Gascogne: fermer la pêche un mois, « une solution absurde » selon un chercheur

Brest, 22 jan 2024 (AFP) – La fermeture d’un mois de la pêche dans le golfe de Gascogne est « une solution absurde » qui n’est bonne ni pour les pêcheurs ni pour les dauphins, estime Didier Gascuel, professeur en écologie marine à l’Institut Agro de Rennes-Angers.

Auteur de « La pêchécologie » (éditions Quae, 2023), ce chercheur basé à Rennes a plaidé lundi, dans un entretien à l’AFP, pour une politique de dialogue et d’incitation.

QUESTION: D’où vient le problème des captures accidentelles de dauphins?

REPONSE: « La population de dauphins change de répartition spatiale et vient plus à la côte, probablement avec des effets encore mal connus du changement climatique.

Les captures accidentelles augmentent d’autant plus qu’il y a peut-être aussi des changements de pratiques de pêche. On sait que l’essentiel des captures sont faites par les fileyeurs. Or, il se développe depuis quelques années un filet plus haut, surnommé +filet pêche-tout+, qui vient plus près de la surface. Il y a une interrogation sur les conséquences que pourrait avoir ce filet sur les dauphins.

Quelle est la part du changement de distribution de la population de dauphins et celle des pratiques de pêche? Personne ne le sait très bien, car on manque de données et d’observations.

Mais ces captures accidentelles ont aujourd’hui dépassé un seuil qu’on considère comme un seuil de durabilité. Elles sont à un tel niveau qu’on pourrait entrer dans une phase de diminution de ces populations de dauphins. »

Q: La fermeture d’un mois de la pêche dans le golfe de Gascogne fait-elle partie des solutions?

R: « C’est une solution absurde. C’est d’une certaine manière un aveu d’échec de la gouvernance des pêches. Car cette fermeture ne sauvera pas les populations de dauphins: les travaux scientifiques montrent qu’il faudrait fermer plus longtemps qu’un mois. A l’inverse, cette fermeture impacte très fortement les pêcheurs et la filière dans son ensemble. Elle a des conséquences socio-économiques très, très fortes. La pêche durable, ça ne peut pas être de payer des pêcheurs à rester à quai avec les deniers publics.

On s’est laissé enfermer dans une situation inextricable. D’un côté, les pêcheurs n’ont pas fourni les données permettant qu’on en sache un peu plus sur les répartitions de dauphins: où, quand, comment ils sont capturés? Et puis, on n’a pas instauré un vrai dialogue pour trouver des solutions.

Et on arrive dans cette situation où la gestion des pêches serait assurée par des décisions de justice. Ce n’est pas la bonne solution, ni pour la conservation de la biodiversité, ni pour les pêcheurs eux-mêmes. »

Q: Quelle serait la bonne solution?

R: « Ce qu’il faudrait d’abord faire, c’est se mettre autour de la table et discuter de bonne foi. Il y a une responsabilité particulière de l’État à instaurer ce dialogue.

On devrait aussi aller regarder du côté des politiques d’incitation en matière de quotas de pêche, avec des bonus/malus lorsqu’on capture des dauphins.

C’est un outil prévu par la Politique commune des pêches (de l’Union européenne, NDLR), qui n’est aujourd’hui pas mis en oeuvre. Décidons qu’une partie des quotas attribués dans le golfe de Gascogne, peut-être 5 ou 10% pour commencer, seront d’abord attribués aux pêcheurs qui ont des caméras embarqués.

Cela peut être un outil permettant de faire la démonstration que les pêcheurs font les efforts nécessaires, qu’ils ne capturent pas des dauphins, mais aussi un outil pour récolter de l’information pour savoir où, quand et avec quelles pratiques de pêche sont capturés ces dauphins.

Peut-être que les pêcheurs devront renoncer à certaines zones, certaines saisons de pêche ou certaines pratiques de pêche, mais c’est eux qui doivent en décider et le mettre en place. Ils le feront de manière beaucoup plus efficace qu’avec une fermeture administrative homogène à l’échelle du golfe de Gascogne.

Ce sont les pêcheurs qui connaissent le terrain et qui trouveront une solution sur place. Il faut les accompagner dans cette démarche, avec une discussion entre les pêcheurs et les organisations environnementales. Ça ne se fera pas si l’État ne joue pas son rôle pour assurer ce dialogue et le rendre réellement constructif. »

Les Infos Mer de M&O

Les systèmes de combat français – Et l’avenir de l’Homme dans la filière opération des navires de surface

Ce mémoire de Master 2 de l’Université Lyon III Jean Moulin, rédigé par Robin Vanet sous la direction de Jean-Marie Kowalski, éclaire l’histoire,...

CMA CGM valide la construction en Inde de 6 porte-conteneurs de 1 700 EVP dual-fuel au GNL

CMA CGM devient la première grande compagnie maritime internationale de transport par conteneurs à conclure un accord pour six nouveaux navires propulsés au...

Nodens : du vent dans les voiles, du whisky en cale (entretien avec Tristan Botcazou)

La devise de Nodens pourrait être "Fluctuat Nec Mergitur". A peine lancée, cette nouvelle entreprise bretonne de whisky transporté à la voile fait...

« Les ports ne peuvent plus subir la transition énergétique, ils doivent la piloter »

Par Loïc Espagnet - Président de SeaBridges Dans un secteur portuaire en pleine mutation, SeaBridges se pose comme un nouvel acteur animé par une ambition...

L’Axe Seine réinventé : un ouvrage collectif explore le lien entre Paris, Rouen et Le Havre

Une nouvelle parution consacrée à la colonne vertébrale logistique française Un nouvel ouvrage, intitulé L’Axe Seine réinventé, vient de paraître. Il plonge au cœur...

La crise de la pêche en Mauritanie peut-elle s’étendre au Maroc ? (par Gabriel Robin)

À Nouadhibou, poumon halieutique de la Mauritanie, les poissons se raréfient de plus en plus. Dans un reportage publié le 31 juillet 2025,...

Plus de lecture

M&O 288 - Septembre 2025

Colloque Souveraine Tech du 12 sept 2025

Alors qu'il était Premier Consul, Napoléon Bonaparte déclara le 4 mai 1802 au Conseil d'État, "L’armée, c’est la nation". Comment ce propos résonne t-il à un moment de notre histoire où nous semblons comprendre à nouveau combien la nation constitue et représente un bien à défendre intelligemment ? Par ailleurs, si la technologie est le discours moral sur le recours aux outils et moyens, au service de qui ou de quoi devons-nous aujourd'hui les placer à cette fin, en de tels temps incertains ? Cette journée face à la mer sous le regard de Vauban sera divisée en tables rondes et allocutions toniques.

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.