Grèce: l’ex-champion de la construction navale au bord de la liquidation

Le gouvernement grec a demandé en novembre son placement sous « gestion spéciale », procédure récente de règlement accéléré du sort des entreprises endettées. La décision doit tomber cette semaine.

HSY appartient depuis 2010 au groupe de construction navale Privinvest de l’homme d’affaires franco-libanais Iskandar Safa, et se trouve « depuis 2011 dans l’incapacité générale et permanente de payer ses dettes », relève l’assignation.

Les 650 employés restants travaillent au ralenti sur le site de Skaramangas, près d’Athènes, dont un terrain accueille désormais un camp de réfugiés.

Plus de la moitié de la dette de HSY est constituée d’aides d’Etat reçues de 1997 à 2002, dont la Commission européenne exige depuis 2008 le remboursement à la Grèce : 661,9 millions d’euros intérêts compris.

HSY a déjà connu bien des avatars: fondé en 1939 par la marine grecque, détruit par les bombardements alliés en 1944, au faîte de sa gloire après son rachat en 1957 par l’armateur Stavros Niarchos, ruiné en 1985 par la crise pétrolière, nationalisé, enfin re-privatisé et cédé en 2002 au consortium allemand HDW/Ferrostaal, avant que HDW soit racheté par ThyssenKrupp en 2005.

Au début des années 2000, le gouvernement lui commande six sous-marins de type 214, à construire en partenariat avec HDW et Ferrostaal. La Grèce, qui se méfie de la Turquie, est l’un des rares pays à consacrer plus de 2% de son PIB à sa défense, comme préconisé par l’Otan.

Le secteur se caractérise aussi à l’époque par l’arrosage à grande échelle des politiciens grecs par les industriels allemands. Ministre de la Défense socialiste de 1996 à 2001, Akis Tsohatzopoulos purge actuellement une peine de 20 ans pour corruption.

A partir de 2006, les relations se dégradent entre HDW/ThyssenKrupp et l’Etat, qui relève des malfaçons sur les sous-marins en construction, et fait traîner les paiements.

– ‘S’asseoir et discuter’ –

Dans ce contexte, l’arrivée de M. Safa fin 2010 déclenche « l’euphorie », assure Privinvest. D’autant que la Commission semble accepter une alternative au remboursement des aides d’Etat: abandon par HSY des activités civiles pendant 15 ans, et vente d’actifs dont le dock 5, joyau du chantier.

Mais M. Safa déchante lorsque la Commission interdit à HSY toute réacquisition ultérieure du précieux dock, et laisse planer le doute sur la possibilité, vitale pour HSY, de travailler pour les marines étrangères.

Aujourd’hui, HSY n’ayant jamais vendu le dock, la Commission attend toujours le remboursement des aides d’Etat.

Et la Grèce est menacée de sanctions par la Cour de justice européenne pour non-exécution de la décision de la Commission.

Quant au chantier, en raison aussi de la crise économique, il n’a enregistré aucune nouvelle commande depuis 2011, et c’est la marine grecque qui a dirigé les travaux de construction ou de modernisation de quatre sous-marins ces dernières années.

Dans un mail à l’AFP, le ministre de l’Economie Stergios Pitsiorlas accuse M. Safa d’avoir « abandonné HSY depuis 2011 », et d’être « le principal responsable » du non-remboursement des aides d’Etat.

Mais l’homme d’affaires a saisi de son côté deux tribunaux arbitraux, faisant condamner la Grèce fin septembre par la Chambre de Commerce internationale (CCI) à payer à HSY environ 200 millions d’euros d’arriérés, décision que la Grèce conteste.

La CCI a ordonné aussi la mise en chantier des deux derniers des six sous-marins commandés. C’est l’opportunité pour le gouvernement « de s’asseoir et de discuter » avec M. Safa, avance son avocate, Me Eliana Paschalides, « au lieu d’une mise sous gestion spéciale qui ne résoudra rien ». « Il y aurait des clients pour ces sous-marins », assure-t-elle à l’AFP.

Si la gestion spéciale est prononcée, le nom du chinois Cosco circule comme possible acquéreur, puisqu’il exploite déjà le port voisin du Pirée. « L’Etat grec pratiquera des appels d’offres transparents », élude M. Pitsiorlas.

Quant aux employés de HSY, à en croire Sotiris Poulikoyannis, président du syndicat de la métallurgie Triena: « tout ce qu’ils veulent c’est garder leur boulot et toucher les arriérés ».

od/cb/ggy

THYSSENKRUPP

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