Dès l’ouverture de l’audience, les avocats du Saoudien Abd al-Rahim al-Nachiri, invoquant leur déontologie professionnelle, ont demandé au juge James Pohl de « suspendre les procédures afin de résoudre la question de la surveillance par une tierce partie des communications de la défense et de la censure des audiences de la commission », selon un document judiciaire affiché sur le site internet des tribunaux militaires d’exception mais dont le contenu est encore sous scellés.
Le juge a rejeté leur requête, après s’être assuré que l’interrupteur permettant de censurer les audiences de l’extérieur de la salle du tribunal avait bien été déconnecté, comme il l’avait demandé.
La semaine dernière, lors d’une audience des accusés des attentats du 11-Septembre, le colonel Pohl a révélé que le gouvernement surveillait les débats depuis l’extérieur et avait actionné à son insu un bouton de censure.
Sur cette base militaire américaine à Cuba, les débats sont diffusés avec un différé de 40 secondes dans la salle où sont cantonnés les journalistes, les familles des victimes et les organisations des droits de l’homme.
Ce différé permet à un officier de sécurité de censurer les échanges susceptibles d’être classifiés. Mais c’est la première fois qu’a été mise au jour une censure émanant du gouvernement lui-même.
Un des avocats de M. Nachiri, Stephen Reyes, a demandé qu’un témoin du gouvernement soit entendu pour savoir « qui écoute dans les coulisses ».
Une réunion entre les parties et les autorités de la prison a été fixée pour régler la question de savoir si, comme l’affirme la défense, les conversations avocats-client sont écoutées dans la salle du tribunal, même quand les micros sont éteints, et pendant les visites en prison.
Comme les accusés du 11-Septembre, M. Nachiri a été détenu dans une prison secrète de la CIA, où il aurait subi des mauvais traitements assimilés à de la torture, ce qu’avait admis le directeur de la CIA d’alors, Michael Hayden.
C’est lorsque le sujet de ces prisons secrètes a été abordé la semaine dernière, qu’une autorité gouvernementale de classification a censuré les débats. Il pourrait s’agir de la CIA elle-même.
Le juge a accepté que soit conduit à la demande du gouvernement un examen indépendant de la santé mentale de M. Nachiri, dont les défenseurs affirment qu’il souffre d’un trouble post-traumatique dû aux séances de simulation de noyade subies en détention.
Considéré comme un proche de Ben Laden, M. Nachiri est poursuivi pour l’attentat contre le navire américain USS Cole en 2000 au Yémen, qui avait fait 17 morts, et contre le pétrolier français MV Limburg qui avait fait un mort en 2002 à Aden. Il encourt la peine de mort.