« J’ai été pris de nausées, d’une douleur à l’estomac et quand je suis sorti de l’eau j’ai essayé de me mettre debout (dans la barque), mais mes jambes étaient paralysées », a raconté à l’AFP cet Indien mosquito de 44 ans.
Depuis le 3 juillet, les quelque 100.000 Indiens mosquitos du département de Gracias a Dios (est) sont en deuil : 27 d’entre eux sont morts et six autres sont toujours portés disparus après le naufrage du Capitan Waly où s’étaient entassés 88 pêcheurs.
Dès l’ouverture de la saison de pêche à la langouste, le 1er juillet, des milliers de pêcheurs munis de bouteilles rudimentaires ou de compresseurs embarqués dans leurs barques se lancent chaque année à la recherche du crustacé, qui constitue leur principale, voire leur unique, source de revenus pour l’année.
La saison commence par l’armement de bateaux de pêche et le recrutement de plongeurs dans la population pauvre de Gracias a Dios, explique le président de l’Association des plongeurs de la Mosquitia, Oswaldo Echeverria.
Déjà en 2004, l’Association locale des plongeurs handicapés a demandé à la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) d’intervenir pour que les autorités honduriennes encadrent les conditions de la pêche sous-marine commerciale.
Selon l’association, des patrons obligent même des pêcheurs sous la menace d’un pistolet à plonger jusqu’à 40 mètres sans équipement adapté. Bilan : des milliers de plongeurs estropiés à vie par le « syndrome de décompression ».
Les statistiques du ministère de la Santé de 2004, les dernières disponibles, comptabilisent 9.000 plongeurs professionnels dans la région de la Mosquitia, dont 4.200 handicapés.
– Caisson hyperbare –
Les patrons de pêche paient aux plongeurs trois dollars la livre (un demi-kilo) de langouste. Pendant une marée de 15 jours, les plus habiles, ou les plus chanceux, peuvent pêcher jusqu’à 400 livres de crustacés, tandis que d’autres ne ramènent qu’à peine 40 livres, explique Oswaldo Echeverria à l’AFP.
La majorité du produit de la pêche de la saison, du 1er juillet au 28 février, est exportée aux Etats-Unis.
Pour le président de l’Association des plongeurs, il faudrait que des aides permettent aux pêcheurs d’acheter leurs propres embarcations afin qu’ils ne dépendent plus des patrons et des armateurs.
Aujourd’hui, Ernesto McLean se déplace avec des béquilles ou dans une chaise roulante depuis son accident de plongée en 1998. Il a un nouveau métier, cordonnier. « Je n’ai pas de maison, (des amis) m’hébergent pour la nuit » à Puerto Lempira, le chef-lieu du département. « Ma situation n’est pas bonne », dit-il.
Jaime Lemus, 60 ans, marche aussi avec des béquilles depuis 2004, après être remonté d’une plongée à 36,5 mètres : « toutes ces années, sans recevoir d’aide… », confie le sexagénaire qui vivote en louant son canoë pour 8 dollars la journée, quand il y a des clients.
Ernesto et Jaime, comme bien d’autres, ont été transportés trop tard à l’hôpital de Puerto Lempira pour y être placés dans un caisson hyperbare. Ce traitement n’est efficace que durant les 24 premières heures pour contrecarrer les effets du « syndrome de décompression ».
Entre 15 et 18 pêcheurs sont hospitalisés chaque mois pour des accidents de plongée, selon Danyra Tylor, chargée du caisson à l’hôpital. Mais il faut suivre un traitement pendant trois mois à un an. « Ce sont des gens trop pauvres et ils arrêtent » le traitement et les exercices de kinésithérapie avant d’avoir récupéré, explique-t-elle à l’AFP.
La région de la Mosquitia, isolée du monde par une jungle impénétrable, n’est accessible que par la mer ou par avion. La population y survit dans des conditions misérables, sans électricité ni eau courante.
Les trafiquants de drogue y ont vu une formidable base d’opération : à part la pêche à la langouste, l’une des ressources de la population est la revente de cargaisons de cocaïne lancées à la mer par des trafiquants voulant échapper à un contrôle, explique à l’AFP un Indien sous couvert d’anonymat.