Bruxelles et Rabat ont pris la mesure du problème et ont immédiatement annoncé leur volonté de « négocier les instruments nécessaires pour préserver cet accord », indique un communiqué commun publié à Bruxelles.
« La négociation de ces instruments respectera l’arrêt de la Cour européenne de Justice (CJUE) », a précisé une porte-parole de la Commission. Les adaptations devraient inclure le Sahara occidental et les produits de la pêche dans les dispositions de l’accord, a-t-on souligné de source diplomatique.
« L’activité de la pêche continuera jusqu’à la fin de la période prévue par l’accord, à savoir juillet prochain. Nous sommes dans des délais raisonnables pour entamer les négociations pour l’avenir », a expliqué à Rabat le ministre marocain de l’Agriculture et de la Pêche, Aziz Akhannouch.
La représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini et le ministre marocain des Affaires étrangères et de la coopération, Nasser Bourita, ont par ailleurs réaffirmé mardi « leur soutien au processus des Nations Unies » et se sont engagés à « appuyer les efforts du secrétaire général (Antonio Guterres) afin de parvenir à une solution politique définitive ». Le communiqué commun ne cite à aucun moment le Sahara occidental, territoire contrôlé à 80% par le Maroc.
Les deux reponsables ont insisté sur les enjeux de la relation entre l’UE et le Maroc: politique de migration, de sécurité, de stabilité, développement régional et recherche scientifique.
La CJUE a considéré que « l’inclusion du territoire du Sahara occidental dans le champ d’application de l’accord de pêche, en vigueur depuis 2007, enfreindrait plusieurs règles de droit international, notamment le principe de l’autodétermination ».
l’accord de pêche est applicable au territoire du Maroc et « cette notion exclut tout autre territoire tel que celui du Sahara occidental », ont affirmé les juges.
« Le territoire du Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc et les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas de la zone de pêche marocaine visée par l’accord de pêche », ont-ils insisté.
La Cour avait déjà retoqué en 2016 l’accord d’association de 1996 et la libéralisation des produits agricoles et de la pêche en 2012.
-Double coup-
La justice européenne porte un double coup, politique et économique, aux relations entre l’UE et le Maroc. Elle conteste le contrôle exercé depuis 1975 par le Maroc sur une grande partie du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole qui s’étend sur un immense territoire désertique de 266.000 km2 et considère illégales les captures réalisées par les pêcheurs européens dans ses eaux.
Le Front Polisario (indépendantiste), qui a proclamé une République Arabe Sahraouie Démocratique, appelle à un référendum d’autodétermination. La décision de la Cour devrait impliquer « une révision juridique et diplomatique urgente » de la position de l’UE et « de l’exploitation illégale des ressources naturelles sahraouies », a indiqué son porte-parole en Europe Mohamed Sidati.
La Cour « ne donne aucun rôle au Polisario dans ce dossier », a pour sa part soutenu le ministre marocain Akhannouch.
L’accord de pêche UE-Maroc permet aux navires de l’UE pêchant des espèces pélagiques et démersales d’accéder à la « zone de pêche marocaine » en échange d’une contribution économique.
Un protocole pluriannuel gère les licences et établit les quotas de pêche. Il expire le 14 juillet 2018. Ainsi, les Pays-Bas bénéficient d’un quota annuel de 24.567 tonnes, le Royaume-Uni a obtenu un quota de 4.525 tonnes, la France 2.644 tonnes, l’Espagne 467 tonnes. Or 91,5% des captures sont réalisées près des côtes du Sahara occidental, a souligné l’avocat général de la CJUE Melchior Wattelet.
L’arrêt de la Cour répond aux doutes exprimés par un tribunal britannique qui doit se prononcer sur une plainte de l’association de soutien à la Campagne du peuple sahraoui pour le Sahara Occidental.