Le canal Seine-Nord Europe, les chiffres clé d’un projet colossal et contesté

Lille, 11 oct 2025 (AFP) – Le canal Seine-Nord Europe, dont les travaux d’infrastructure ont commencé en 2022, est un projet gigantesque visant à doper le transport fluvial de marchandises entre le bassin parisien et les grands ports de la mer du Nord à partir des années 2030.

Ses promoteurs vantent une « solution écologique » qui réduirait considérablement le recours au transport routier, tandis que ses opposants le considèrent comme un projet ruineux, inutile et « destructeur » de zones naturelles et agricoles. En voici quelques chiffres clé.

107 km

Le canal prévu entre Compiègne (Oise) et Aubencheul-au-Bac (Nord) doit faire 107 km de long pour 54 mètres de large: de quoi faire circuler des péniches à grand gabarit mesurant jusqu’à 185 mètres de long, capables de transporter jusqu’à 4.400 tonnes de marchandises chacune, soit l’équivalent de 220 camions.

Cela permettrait de créer une véritable autoroute fluviale entre la Seine et l’Escaut, qui mène au grand port de marchandises d’Anvers en Belgique, lui-même relié à celui de Rotterdam aux Pays-Bas.

Cependant pour ses opposants, regroupés au sein du collectif « Méga Canal Non Merci », le pompage de l’Oise pour alimenter le canal risque de perturber le régime de cette rivière et ses nappes souterraines.

Ce que dément son maître d’ouvrage, la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE), tout comme le gouvernement: le canal « n’effectuera aucun prélèvement dans les nappes phréatiques » et « sera le plus économe en eau du réseau européen », assure le ministère de l’Aménagement du territoire dans une réponse écrite en juillet à une question de la députée LFI Clémence Guetté.

Le projet va aussi condamner de nombreuses zones agricoles et naturelles où vivent plusieurs centaines d’espèces protégées, soulignent ses opposants, mais ses promoteurs ont prévu en compensation 1.200 hectares de plantations et aménagements environnementaux.

50 millions de tonnes

C’est la quantité d’émissions de tonnes de CO2 que le canal permettrait d’éviter sur 40 ans, selon les estimations de la SCNSE. Soit environ un huitième des émissions de gaz à effet de serre de la France en 2023.

Cette prévision repose sur un scénario de 17 millions de tonnes de marchandises par an transitant par le canal à l’horizon 2035, ce qui reviendrait à 2,3 millions de poids lourds en moins à l’échelle européenne de la liaison Seine-Escaut, selon la SCNSE.

Des estimations beaucoup trop optimistes, jugent les opposants, qui s’appuient aussi sur un rapport public de 2013 pointant le risque de concurrence frontale du canal avec le fret ferroviaire, pourtant lui aussi un mode de transport bas carbone.

Ces estimations sont « très sujettes à caution », juge aussi Emilie Lorant-Plantier, professeure de géographie et auteure d’une thèse sur le canal Seine-Nord Europe, rappelant que le fluvial « n’est pas un mode de transport terminal », puisqu’il faut « la route, toujours » pour livrer les marchandises à leur destination finale.

5,1 milliards d’euros

C’est le coût prévisionnel actuel de la construction du canal. 2,2 milliards d’euros doivent provenir à parts égales de l’État et des collectivités locales (régions et départements) et 2,1 milliards d’euros de fonds européens.

Déjà très supérieur aux estimations initiales, ce budget, inscrit dans une convention de financement signée en 2019, devrait être révisé en nette hausse.

Dans un rapport publié fin 2024, le Conseil économique, social et environnemental des Hauts-de-France (Ceser) estimait que « le coût définitif du projet pourrait s’établir entre 7 et 8 milliards d’euros », en raison notamment de l’inflation.

Ainsi l’emprunt de 800 millions d’euros actuellement prévu pour boucler le budget des travaux risque fort d’enfler. Le plan actuel pour rembourser cet emprunt est de créer une nouvelle taxe nationale incitant au report de la route vers le fluvial pour le transport de marchandises.

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