La guerre en Ukraine a un peu plus perturbé des flux logistiques déjà bouleversés –et renchéris– par la pandémie, rappelle M. Barillas dans un entretien à l’AFP: entre l’Europe et l’Asie, elle a arrêté les relations ferroviaires par le Transsibérien et rallongé les liaisons aériennes.
S’ajoutent la « morosité économique » provoquée par le conflit, et des perturbations très importantes créées par la résurgence du Covid-19 en Chine. « Shanghai est à l’arrêt depuis huit semaines, et c’est ça qui pose énormément de problèmes », souligne-t-il.
Concrètement, le port de la métropole chinoise, le premier du monde, reste ouvert. « Le problème est plutôt situé au niveau des usines », en amont: plus ou moins à l’arrêt, celles-ci n’arrivent pas à trouver des matières premières, ont des problèmes d’acheminement des marchandises…
« Comme les fournisseurs chinois ne produisent plus, ou plus assez, la demande pour le transport de marchandises a chuté en sortie de Shanghai », poursuit le dirigeant d’Ovrsea, une start-up parisienne qui a numérisé le « freight-forwarding » (l’activité de commissaire de transport, en français).
Conséquence: les armateurs « s’adaptent au fait qu’il y a moins de demande » et ont supprimé un tiers de leurs rotations.
L’offre a moins baissé que la demande et les prix du transport maritime ont –enfin– baissé, relève le jeune dirigeant. De 3.000 dollars environ pour transporter un conteneur de 40 pieds de l’Asie vers l’Europe avant la crise sanitaire, on était monté à 15.000 dollars, avant de redescendre autour de 12.000.
– Normes environnementales –
Mais cette embellie n’est que saisonnière, selon lui. D’autant que Shanghai commence à se déconfiner.
« Ce qu’on anticipe, c’est que la situation va se normaliser pendant les quatre prochaines semaines. Petit à petit, les usines vont reprendre leur production, et surtout le transport routier va fonctionner plus efficacement, ce qui va ré-entraîner une forte augmentation des activités portuaires », expose-t-il. Avec, à attendre, une forte « demande en juin-juillet » et « une re-tension du marché », d’autant que les mois d’été sont traditionnellement forts en raison de la préparation des fêtes de fin d’année.
« Les taux de fret vont arrêter de baisser, et augmenter à nouveau au troisième trimestre », prévoit M. Barillas, sans aller jusqu’à faire des pronostics chiffrés.
« Shanghai est une sorte de thermomètre du commerce international », détaille-t-il. « Les activités vont reprendre à plein, ce qui va re-déclencher une dynamique haussière des taux de fret, une contraction de l’espace disponible dans les bateaux en raison de la plus forte demande (…) et beaucoup de congestion dans les ports. »
« Plus le déconfinement de Shanghai sera progressif, plus la tension sera forte cet été! »
Plus généralement, Ovrsea –une entreprise majoritairement détenue par le groupe Bolloré– table sur des taux de fret encore hauts jusqu’en 2023, puis « une décrue progressive à partie de 2024 ».
On ne peut de toute façon pas tabler tout de suite sur une hausse des capacités des compagnies maritimes –au-delà du retour à la normale après réduction du moment, s’entend–, car les nouveaux navires commandés par les armateurs ne seront pas mis à flot avant le 1er semestre 2023, avance Arthur Barillas.
En outre, des nouvelles normes entrant en vigueur le 1er janvier 2023 pour limiter les émissions de gaz toxiques « vont mettre une pression très forte sur les capacités », prévient-il. Seuls 55% de la flotte mondiale sont aux futures normes, et certains vieux bateaux qui avaient été remis à l’eau pour répondre à la demande ces derniers mois ne pourront plus naviguer.
« Ca va être un joyeux bazar cet été et à la rentrée », avec un effet inflationniste à attendre, résume M. Barillas. La flambée des coûts logistiques a déjà fait passer ce poste de 1 à 7% du chiffre d’affaires d’un de ses clients du CAC40, remarque-t-il pour donner un ordre d’idées.
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