« Avec des droits de douane de 50%, aucun produit indien ne peut rester compétitif », affirme l’économiste Garima Kapoor, d’Elara Securities.
L’Inde, l’un des plus grands importateurs de pétrole brut au monde, a jusqu’au 27 août pour trouver des alternatives et remplacer un tiers de son approvisionnement actuel.
Cette surtaxe de 50% menace des industries à forte intensité de main-d’oeuvre, du textile aux pierres précieuses en passant par les fruits de mer.
La Global Trade Research Initiative estime d’ailleurs à 60% la baisse potentielle des ventes dans des secteurs comme l’habillement.
Les exportateurs expliquent se dépêcher d’honorer leurs commandes avant la date limite.
« Tout ce que nous pouvons expédier avant le 27 août, nous l’expédions », a déclaré Vijay Kumar Agarwal, président de Creative Group.
Cet exportateur de textiles et de vêtements basé à Bombay est exposé à près de 80% au marché américain.
Mais pour lui, il ne s’agit que d’un sursis: « Si le problème n’est pas résolu, ce sera le chaos ».
Il s’inquiète particulièrement pour l’avenir de ses 15.000 à 16.000 employés.
– Délocalisations –
La résolution de cette crise dépend de la géopolitique, bien loin de l’influence des entreprises.
Donald Trump doit rencontrer Vladimir Poutine vendredi, pour la première fois depuis 2019, un rendez-vous qui pourra avoir un impact sur les sanctions dites « secondaires » américaines, qui visent les clients de Moscou sur fond de conflit en Ukraine.
New Delhi, qui entretient des relations de longue date avec la Russie, se trouve dans une situation délicate.
Depuis les menaces de Donald Trump, le Premier ministre Narendra Modi s’est entretenu tant avec M. Poutine qu’avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, les exhortant tous deux à trouver une « solution pacifique » au conflit.
Pendant ce temps, l’impact des droits de douane américains se fait déjà sentir en Inde.
Des entreprises affirment que les commandes d’acheteurs américains ont commencé à se tarir, menaçant des millions de dollars de chiffre d’affaires et les moyens de subsistance de centaines de milliers de personnes dans la cinquième économie mondiale.
Parmi les plus grands exportateurs indiens de vêtements, certains envisagent de délocaliser transférer leur production à destination des Etats-Unis.
Pearl Global Industries prévoit ainsi de mobiliser ses usines au Vietnam ou et Bangladesh et Gokaldas Exports n’exclut pas, selon Bloomberg, d’augmenter sa production en Ethiopie et au Kenya, qui ne sont visés que par des droits de douane de 10%.
– « Point mort » –
Moody’s a récemment averti que pour l’Inde, l' »écart tarifaire beaucoup plus important » pourrait « même inverser certains des gains réalisés ces dernières années en matière d’attraction d’investissements connexes ».
L’industrie indienne des pierres précieuses et des bijoux a pour sa part exporté pour plus de 10 milliards de dollars de marchandises l’année dernière et emploie des centaines de milliers de personnes.
« Tout est au point mort, les nouvelles commandes ont été suspendues », déplore auprès de l’AFP Ajesh Mehta, de D. Navinchandra Exports, selon qui de « 150.000 à 200.000 travailleurs seront touchés. »
« Des droits de douane de 10% étaient supportables, mais 25% ne le sont pas, sans parler de 50% », a ajoute-t-il.
Même constat pour les exportateurs de fruits de mer, qui cherchent à diversifier leurs marchés vers la Chine ou le Japon, car « les Etats-Unis sont totalement hors-jeu pour le moment », affirme Alex Ninan, à la tête de la société Baby Marine Group.
Mais « on ne peut pas créer un marché du jour au lendemain », prévient-il.