Ne pas faire de la pêche « la variable d’ajustement du Brexit »: la revendication revient souvent dans la bouche des professionnels et sera dans toutes les têtes des quelque 500 congressistes.
« On ne veut pas être marginalisés, être mis de côté », explique à l’AFP Hubert Carré, directeur général du comité national des pêches: « Depuis trois ans, on peut gagner de l’argent, il faut éviter que le Brexit aboutisse à l’équivalent de ce qu’a connu la sidérurgie dans les années 80. »
Car la sécession britannique menace l’horizon jusqu’ici dégagé de la pêche française, qui se porte mieux, après des années très difficiles.
Les stocks sont revenus à des niveaux qui permettent une exploitation durable, la demande en produits de la mer est toujours très soutenue et fait grimper les cours et, même si la prudence est de mise, le prix du gasoil est au plus bas depuis trois ans.
« Les entreprises ont gagné de l’argent et c’est pour ça qu’un certain nombre en profitent » pour renouveler timidement une flotte vieillissante, indique Hubert Carré.
Mais, selon les contours qu’il adoptera, le Brexit pourrait laisser à quai de nombreux armements. Les captures dans les eaux britanniques représentent en moyenne 30% du total des captures de la pêche française. Un chiffre qui peut grimper très vite, jusqu’à plus du double dans les régions les plus septentrionales.
« Vous prenez les fileyeurs de Dunkerque ou Calais, ils font 20 minutes à la sortie du port, ils sont dans les eaux britanniques. C’est 75% de leur chiffre d’affaires », s’alarme Hubert Carré.
D’où une inquiétude pour l’emploi: les marins embarqués sur les bateaux sont près de 15.000, sans compter les milliers d’emplois à terre, notamment dans le mareyage (4.500 emplois) et la transformation (16.000 emplois).
– Boom des départs à la retraite –
Problème, le Brexit survient alors que la courbe démographique de l’emploi du secteur amorce un tournant critique.
Entre 2016 et 2020, ce sont pas moins de 1.400 chefs d’entreprises -soit 30%- qui partent à la retraite, selon le comité national des pêches, craignant que beaucoup ne soient pas remplacés.
« On doit défendre l’accès aux eaux pour la pêche artisanale et la pêche côtière (…) sans quoi il n’y a plus de pêche », expliquait en juillet le ministre français de l’Agriculture Stéphane Travert à des journalistes à Bruxelles.
Il faudra pour cela « trouver des accords » avec les Britanniques, avait-il ajouté, tentant de rassurer la filière.
Les Britanniques avaient annoncé deux semaines plus tôt qu’ils quitteraient la Convention de Londres sur la pêche de 1964 (soit avant l’adhésion du Royaume-Uni à l’UE en 1973) pour retrouver le contrôle exclusif des droits de pêche à proximité des côtes britanniques. Le signal d’une volonté de négocier un Brexit dur, pour certains, de l’esbroufe pour d’autres, même si l’absence de nouvelles sur les négociations ne laisse pas d’inquiéter.
« Les Anglais pêchent aussi dans les eaux européennes », rappelle le patron du port de Lorient, Maurice Benoish. « Si c’était un Brexit dur, ce serait très mauvais pour les Français et le port de Lorient, mais ce ne serait pas bon pour les Anglais non plus », estime-t-il.
D’autant que « les poissons ne connaissent pas les frontières administratives qu’on fixe sur la mer. (…) On peut espérer que le bon sens l’emportera ».
Autre argument dans les négociations, dit Hubert Carré, les Britanniques « vont être complètement tributaires du marché européen et c’est là où on va commencer, nous, à leur dire: +Bon, vous ne voulez plus de navires européens dans votre zone économique, simplement vous ne consommez pas ce que vous pêchez, vous exportez tout du Royaume-Uni vers l’Europe, ça va être du donnant-donnant.+ »