De Chicago à Paris, le mouvement de repli des céréales est général depuis lundi. Sur le marché européen, le blé est descendu en séance mercredi à 198 euros la tonne, un niveau rarement atteint depuis décembre 2020, tandis que le maïs peinait à dépasser les 186 euros la tonne.
« On assiste à un essoufflement des prix avant la récolte de blé », résume Gautier Le Molgat, PDG d’Argus Media France.
La moisson de blé démarre à peine aux Etats-Unis et sera lancée dans quelques semaines en Russie. Sans atteindre de record, partout, les récoltes s’annoncent « satisfaisantes », et bien meilleures que l’an dernier en Europe.
En France en particulier, premier pays producteur européen, les prévisions oscillent entre 31 et 33 millions de tonnes selon les différentes maison de courtage: une moisson dans la moyenne des dernières années après celle, catastrophique, de 2024 avec ses 25,8 millions de tonnes.
– Demande de blé « presque au point mort » –
Aux Etats-Unis, où le ministère de l’Agriculture (USDA) doit publier jeudi son rapport mensuel sur les productions, exportations et stocks mondiaux de grains, les opérateurs s’attendent à « une légère augmentation de la production américaine de blé d’hiver », selon Rich Nelson, de la maison de courtage Allendale.
Le dernier tour de plaine du ministère a en outre souligné l' »excellent » état des cultures de blé et maïs, ce qui oriente les prix à la baisse.
Pour Jack Scoville, de Price Futures Group, les cours du blé ont fléchi « en raison de l’amélioration des conditions météorologiques et de l’absence de demande en général » sur les marchés mondiaux.
En Europe, « la demande est presque au point mort » pour le blé, renchérit Damien Vercambre, analyste au cabinet Inter-Courtage, qui note que « les prix de la nouvelle campagne (des blés qui seront récoltés cet été, NDLR) en Russie et en Ukraine sont assez bas et pèsent sur les cours européens ».
La baisse des prix, qui pourrait être une bonne nouvelle pour les pays importateurs, n’incite pourtant pas les acheteurs à revenir sur le marché, relève Gautier Le Molgat.
La période est particulièrement difficile pour les agriculteurs: face à des prix aujourd’hui « largement sous les coûts de production », les céréaliers « ne sont pas pressés de vendre ». « On a un vrai problème de rentabilité des cultures », souligne l’analyste.
Une situation difficile alors que les agriculteurs redoutent une nouvelle flambée du cours des engrais avec les promesses européennes de sanction des fertilisants azotés russes.
Le cours du maïs trouve quant à lui un peu de soutien dans une demande moins atone que pour le blé, avec des appels d’offre venus d’Asie ces derniers jours, notamment de Corée du Sud et de Taïwan.
Aux Etats-Unis, les ventes à l’export sont restées « très fortes jusqu’à présent », relève Jack Scoville.
– Le soja « optimiste » –
Les opérateurs américains surveillent aussi un possible soutien au biocarburant de la part du gouvernement américain : « nous attendons des nouvelles de la Maison Blanche concernant les exemptions qui ont été demandées », a indiqué Rich Nelson.
Des nouvelles d’autant plus attendues que le débouché du biocarburant pour le maïs représente environ 130 millions de tonnes, soit « deux fois le volume des exportations américaines » de grain jaune, note Gautier Le Molgat.
Exception notable sur le marché des grains, le soja était lui orienté à la hausse à la Bourse de Chicago, clôturant mardi à 10,5775 dollars le boisseau (environ 27 kg): l’oléagineux se distinguait en raison, selon Rich Nelson, de « l’optimisme » lié aux pourparlers ouverts à Londres entre Washington et Pékin.
Le cours a légèrement fléchi après l’annonce mercredi d’un accord entre les deux puissances, les opérateurs restant prudents avant de connaître les détails du texte.
La Chine est le premier importateur mondial de soja et les Etats-Unis l’un des premiers pays producteurs. Les récentes tensions commerciales ont fait craindre un virage important de la Chine vers d’autres pays producteurs, comme le Brésil, désormais premier exportateur mondial.