Les Etats membres devront adopter des mesures pour « éliminer progressivement » cette pêche controversée dans les aires maritimes protégées (12% des eaux européennes), quelle que soit leur profondeur, selon ce plan d’action présenté mardi.
Chaque pays devra établir sa feuille de route d’ici mars 2024.
L’Union européenne interdit déjà depuis 2016 le chalutage en-dessous de 800 m, pour aider à restaurer les écosystèmes vulnérables des fonds marins, dotés d’une riche biodiversité. La pratique est aussi bannie depuis septembre sous 400 m dans une petite partie de l’Atlantique Nord-Est.
Mais l’usage d’engins de fond mobiles (chaluts, dragues, filets maillants, palangres, casiers…) « reste très répandu », notamment dans 80% à 90% des zones exploitables de l’Atlantique Nord-Est, « dans de nombreux sites +Natura 2000+ et autres zones protégées », déplore l’exécutif européen.
De quoi, selon lui, compromettre les objectifs des Vingt-Sept pour le climat et la biodiversité.
Bruxelles dénonce une pêche très gourmande en carburant et forte émettrice de CO2, qui en raclant les fonds détruit des écosystèmes constituant eux-mêmes des puits de carbone, fragilise les populations de poissons qui s’y abritent et s’y reproduisent, et favorise des prises accidentelles « disproportionnées » faute de sélectivité.
La Commission demande également aux Etats d’étendre les surfaces des « aires marines protégées » afin d’atteindre l’objectif de 30% de l’espace marin fixé dans le plan biodiversité européen, et d’établir des limites aux prises accidentelles pour préserver certaines espèces vulnérables.
L’Alliance européenne pour la pêche de fonds (EBFA), qui représente 20.000 pêcheurs de 14 pays, juge que l’interdiction du chalutage dans les aires protégées mettra « en danger 7.000 navires » correspondant à « 25% des volumes débarqués dans l’UE et à 38% des revenus totaux de la flotte européenne ».
Cette mesure est « injustifiée » car « certaines aires protégées ont été définies pour préserver des oiseaux et tortues », sans lien avec les fonds marins et « le seul résultat sera de déplacer les efforts de pêche vers d’autres zones, accroissant le carburant consommé et les répercussions indésirables sur les stocks », insiste son président Ivan Lopez.
« C’est trop peu, trop lent (…) loin du calendrier urgent qu’il faudrait », s’insurge à l’inverse Rebecca Hubbard, de la coalition d’ONG écologistes Our Fish.
L’UE tolérera de facto le chalutage de fond encore sept ans dans les aires protégées et après 2030 en-dehors, abonde l’ONG Oceana, dénonçant « le décalage marqué entre le constat et la faiblesse des actions proposées ».