« Bien que personne ne s’attende à un miracle, la réunion représente une occasion en or de rapprocher les négociations d’un accord », a affirmé la nouvelle directrice de l’Organisation mondiale du commerce, Ngozi Okonjo-Iweala, dans une tribune sur Project Syndicate.
« Un échec mettrait en péril la biodiversité des océans et la durabilité des stocks de poissons dont tant de personnes dépendent pour leur alimentation et leurs revenus », a ajouté la Nigériane.
La réunion, qui a démarré vers 08H00 (06H00GMT) et devrait durer jusqu’à au moins 19H00 (17H00 GMT), n’est pas publique et se tient en ligne en raison de la pandémie de Covid-19.
Les ministres doivent faire le point sur les désaccords qui persistent, notamment sur le traitement des pays en développement et la fiscalité des carburants, sur la base d’un texte proposé par le Colombien Santiago Wills, qui dirige les négociations sur ce sujet épineux, alors que l’ONU avait fixé 2020 comme année butoir pour conclure un accord.
Cet objectif n’a pas été atteint en raison des profonds désaccords entre les membres et de la crise sanitaire qui a ralenti le rythme des discussions, mais Mme Okonjo-Iweala a fait de ce dossier une priorité et réclame un accord avant la grande Conférence ministérielle de l’OMC qui aura lieu pendant la semaine du 29 novembre à Genève.
« Après deux décennies de négociations à l’OMC et des discussions marathon cette année, nous avons devant nous un projet de texte d’un accord qui va concrétiser l’ambition mondiale de mettre fin aux subventions à la pêche préjudiciables », a-t-elle affirmé la semaine dernière.
Pour Alice Tipping, du bureau genevois du think tank canadien Institut international du développement durable (IISD), « il n’y a jamais eu autant d’attention politique sur le sujet, autant d’engagement de la société civile, et un tel niveau d’attention politique de la part d’un directeur général » sur le sujet.
Malgré cela, les négociations butent sur plusieurs points, tandis que les ONG appellent à trouver un accord qui ne sacrifie pas la protection des océans au nom de l’empressement à trouver un accord.
– Armada de pêche chinoise –
Les discussions à l’OMC visent à interdire les subventions à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (dite INN), celles concernant les stocks surexploités et celles contribuant à la surcapacité et à la surpêche. Dans les deux derniers cas, le texte prévoit que les aides soient autorisées lorsqu’elles encouragent la reconstitution des stocks de poissons à des niveaux biologiquement durables.
Les modalités du traitement des pays en développement constituent la principale pierre d’achoppement des discussions. Les pays développés jugent plutôt d’un bon oeil que les pays les plus pauvres puissent bénéficier de flexibilités, mais ils souhaitent que les pays en développement qui possèdent de véritables armadas de pêche, comme la Chine, ne jouissent d’aucun régime d’exception.
D’autant qu’à l’OMC, ce sont les pays qui s’autodéclarent « pays en développement ».
« Il serait très utile que la Chine, qui est la plus grande nation de pêche du monde, dise clairement qu’elle est prête à assumer pleinement les obligations sans traitement spécial et différencié. Ce serait certainement un signal politique très important », a affirmé un responsable européen.
Le traitement spécial et différencié « ne peut pas être une carte blanche permettant à un pays qui se déclare en développement de continuer à subventionner » à tout va, a-t-il ajouté.
La portée de l’accord est également source de discorde: s’il semble y avoir un consensus pour exclure l’aquaculture et la pêche continentale du champ d’application, certains pays en développement demandent que les aides aux carburants, dont les exonérations fiscales, soient incluses. Ce que l’UE refuse.
Le texte risque de ne pas satisfaire non plus ceux qui, comme les Etats-Unis, souhaitent que l’accord englobe le travail forcé sur les navires de pêche, la proposition américaine n’étant pas prise en compte dans le texte discuté jeudi.
Au-delà du coût humain, « le travail forcé donne aux navires de pêche qui se livrent à cette pratique un avantage commercial injuste », avait souligné fin mai le bureau de la représentante américaine au Commerce (USTR), Katherine Tai.