Q: Comment sont structurées les filières ?
R: « Les filières sont le plus souvent structurées par communautés, avec des prestations variées. Sur les 19 démantelées en 2015, six n’agissaient qu’avec des Albanais, trois pour le Moyen-Orient (Afghanistan, Iran, Syrie, Irak), deux pour la corne de l’Afrique (Erythrée, Soudan), deux avec des ressortissants asiatiques (Vietnam et Chine), deux du sous-continent indien (Sri Lanka et Inde) et quatre filières, principalement kurdo-irakiennes, opéraient au profit de migrants de toutes nationalités. En revanche, elles ne se concentrent pas forcément sur le camp de Calais, où les migrants, souvent peu solvables, font peu appel à des réseaux, préférant tenter leur chance individuellement à l’entrée du tunnel sous la Manche, par exemple. »
Q: Comment agissent-elles ?
R: « Nous nous focalisons sur les réseaux structurés. Si le chauffeur est complice, le passage, de type +garantie+, se monnayera plus cher, avec une place en cabine ou dans une cachette aménagée dans la remorque. Certaines filières, notamment vietnamiennes, proposent des prestations +tout compris+ depuis le pays d’origine avec des prix pouvant attendre les 20.000 euros avec avion et prise en charge de l’hébergement dans des petits appartements parisiens ou dans des camps plus +haut de gamme+ (que la New Jungle aux abords de Calais, ndlr) du nord de la France. Mais pour les Érythréens par exemple, où la prise en charge est principalement basée dans le Calaisis, le passage se négocie 500 à 700 euros. Si le mode opératoire n’a pas changé, on remarque, depuis quelques semaines et les nouvelles mesures de sécurité, que les passeurs privilégient des lieux de plus en plus loin de Calais, proposant des entrées dans les camions dès la sortie de Paris mais aussi dès la Belgique ou les Pays-Bas. »
Q: Quels sont les moyens mis en place contre le trafic d’êtres humains dans le Calaisis ?
R: « L’Ocriest compte 120 personnes dédiées à la question auxquels s’ajoutent les 25 enquêteurs de la Brigade mobile de recherche (qui dépend de la Police aux frontières) de Calais et 25 autres de Lille. Les recherches sont longues et coûteuses avec un travail de surveillance physique et téléphonique comme dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Cette surveillance s’effectue principalement la nuit, c’est le moment que privilégient les passeurs pour faire entrer les migrants dans les camions. Depuis le 1er janvier, 19 filières ayant une implication dans le Calaisis et à destination de la Grande-Bretagne ont pu être démantelées, 112 trafiquants arrêtés dont 85 ont été déférés devant un magistrat. Comparé à la même période en 2014, c’est une augmentation des démantèlements de 300%. Les passeurs écopent la plupart du temps d’au moins 5 à 6 ans, pour une peine maximale de 10 ans. »
(propos recueillis par David COURBET)