Voici des éléments sur cette pratique défendue par le gouvernement et les pêcheurs japonais, mais décriée par des organisations internationales de défense de l’environnement.
Pourquoi le Japon a-t-il le droit de le faire?
Depuis 1986 s’applique un moratoire mondial sur la chasse aux baleines à des fins commerciales, car certaines espèces étaient devenues très menacées.
Mais le Japon a continué pendant 30 ans à chasser des baleines, en exploitant une clause d’exception du moratoire autorisant des missions à des fins scientifiques. Derrière cet abattage à but scientifique se cachait en réalité une pratique commerciale, les cétacés se retrouvant souvent sur les étals des poissonniers.
Très critiqué à l’étranger pour cette hypocrisie, le Japon a quitté en 2019 la Commission baleinière internationale (CBI) pour s’affranchir du moratoire.
Il pêche ainsi de nouveau la baleine ouvertement pour des raisons commerciales, mais en se cantonnant désormais à ses eaux territoriales et sa zone économique exclusive (ZEE), c’est-à-dire son propre espace maritime, au lieu de les traquer dans l’Antarctique ou ailleurs, comme au temps de ses missions « scientifiques ».
Les crispations internationales sur le sujet ont ainsi nettement baissé en intensité depuis 2019, tout comme les prises du Japon, représentant quelques centaines de baleines par an (294 en 2023).
Pourquoi le Japon continue-t-il à pratiquer cette pêche?
Le gouvernement nippon défend la pêche à la baleine, qui s’effectue avec des navires harponneurs accompagnant le bateau-usine, en soulignant qu’elle fait partie intégrante de la culture japonaise, étant une tradition locale qui remonte au moins au 12e siècle.
Tokyo en fait aussi un enjeu de sécurité alimentaire, arguant que son territoire, essentiellement montagneux et forestier, a des surfaces agricoles limitées, rendant le pays largement dépendant d’importations alimentaires.
Même s’il est aujourd’hui l’un des pays les plus riches de la planète, le Japon garde en mémoire la grave crise alimentaire qu’il a vécue au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La viande de baleine avait alors été une source salvatrice de protéines pour sa population.
Cependant cette viande n’a plus vraiment la cote auprès des Japonais: seules 2.000 tonnes sont aujourd’hui consommées par an, contre 200.000 tonnes dans les années 1960.
Et l’argument de sécurité alimentaire invoqué par Tokyo est fallacieux, selon Nicola Beynon, responsable des campagnes de la branche australienne de Humane Society International, une ONG de protection des animaux.
« Tuer des baleines qui vivent longtemps, se reproduisent lentement et sont soumises à une myriade de menaces anthropiques telles que le changement climatique et la pollution plastique ne contribuerait en rien à améliorer la sécurité alimentaire », estime-t-elle.
« En outre, compte tenu des niveaux dangereux de toxines connues pour s’accumuler chez certains cétacés, et des préoccupations croissantes concernant les zoonoses (maladies transmissibles des animaux vertébrés à l’homme, NDLR), la viande de baleine serait un choix alimentaire irresponsable, susceptible de représenter une menace pour la santé humaine », ajoute Mme Beynon.
La concentration de mercure dans les baleines est « faible » et sans danger, assure au contraire le gouvernement japonais, qui vante leur viande riche en « protéines de bonne qualité et d’acides gras insaturés, dont l’efficacité est reconnue pour la prévention de maladies cardiovasculaires ».
Quelles baleines sont concernées?
Le Japon chasse actuellement trois espèces différentes: le rorqual de Bryde (ou rorqual tropical), la baleine de Minke (petit rorqual commun) et le rorqual sei (ou rorqual boréal).
Tokyo affirme que les populations de ces espèces sont « abondantes » et que ses « stricts » quotas de prises assurent largement leur conservation.
Le rorqual de Bryde et la baleine de Minke font effectivement l’objet d’une « préoccupation mineure » dans la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Mais le rorqual sei est lui considéré comme une espèce « en danger » par cette même organisation.
Le Japon a par ailleurs annoncé début mai qu’il envisageait de chasser aussi le rorqual commun, classé comme « vulnérable » par l’UICN, ce qui a ravivé les inquiétudes d’ONG.
Ce serait un « effrayant retour en arrière », a ainsi critiqué l’Environmental Investigation Agency, jugeant « impossible pour le Japon de calculer de manière crédible un quota de prises +durables+ » pour le rorqual commun, en particulier « compte tenu des menaces croissantes et imprévisibles pesant sur son environnement marin ».