Depuis de début il y a 21 mois de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza, ces insurgés proches de l’Iran ont visé plus d’une centaine de cargos au large du Yémen, disant agir en solidarité avec les Palestiniens.
En mai, les Houthis avaient averti qu’ils continueraient à s’en prendre aux navires israéliens ou liés à Israël, malgré une trêve avec Washington ayant a mis fin à des semaines de bombardements au Yémen.
Leur leader, Abdel Malek al-Houthi, a affirmé jeudi que les nouvelles attaques, menées entre dimanche et mardi, n’étaient qu’une « confirmation » de la décision du mouvement de s’en prendre aux navires liés à Israël « tant que l’agression et le siège de Gaza perdureront ».
Mais la reprise de ces attaques est porteuse de plusieurs messages dans le contexte actuel, estiment les analystes.
– Pourquoi maintenant ? –
Les Houthis disent vouloir maintenir la pression sur Israël, au moment où des négociations indirectes sont en cours entre Israël et le Hamas.
« Négociez la tête haute, nous sommes avec vous (…) jusqu’à ce que le siège soit levé et que l’agression cesse », a lancé lundi leur chef politique, Mahdi al-Mashat, à l’adresse des Palestiniens.
Cette escalade a lieu aussi deux semaines après la guerre de 12 jours entre Israël et l’Iran, à laquelle se sont joints les Etats-Unis.
Les Houthis, qui font partie de l' »axe de la résistance » contre Israël piloté par Téhéran, ne sont pas intervenus dans ce conflit.
Mais les récentes attaques sont « un rappel de la part des Gardiens de la révolution (armée idéologique de l’Iran, ndlr), via leur allié le plus important, que ce qui n’a pas été fait (lors de la guerre avec Israël), peut, en cas de répétition, être activé, à Bab al-Mandeb, Ormuz et Suez », trois voies de navigation vitales pour le commerce mondial, affirme Maged al-Madhaji, président du Centre d’études stratégiques de Sanaa.
– Que cherchent à prouver les Houthis ? –
Les dernières attaques ont été particulièrement violentes, menées à l’aide de plusieurs embarcations munies de roquettes ainsi que de drones navals et de missiles, selon des agences de sécurité maritimes. Des vidéos publiées par les Houthis ont montré leurs forces navales faisant exploser et couler les navires.
Avec l’affaiblissement d’autres alliés de Téhéran au sein de son « axe de la résistance » -le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza-, les Houthis veulent montrer leur « force au niveau régional et international » souligne Farea al-Muslimi, chercheur du groupe Chatham House.
Alors que les missiles tirés régulièrement par le groupe sur Israël ont un impact limité, la perturbation du trafic en mer Rouge, par où transite 12% du commerce mondial, est « un moyen très efficace de faire saigner l’Occident », ajoute-t-il.
Les Houthis cherchent aussi à montrer qu’ils n’ont pas été affectés par les bombardements américains, auxquels une trêve a mis fin en mai.
Ces bombardements ont durement touché certaines de leurs capacités militaires, mais « ils disposent encore d’un large stock et ont rapidement reconstruit leur réseau de communication », estime M. Muslimi.
Selon Noam Raydan, du Washington Institute for Near East Policy, les Houthis ont également profité de la nette baisse de la présence militaire internationale dans la zone.
« Ils semblent désormais disposer de plus de marge pour porter atteinte à la liberté de navigation », affirme-t-elle.
– Quelles conséquences ? –
Les attaques des Houthis ont déjà contraint de nombreux armateurs à éviter la mer Rouge, empruntant un chemin plus long et plus couteux.
Selon Noam Raydan, le transit par le détroit de Bab al-Mandeb a baissé de plus de 50% par rapport à 2023.
« Après les récentes attaques, les navires marchands appartenant à des sociétés dont d’autres bateaux font escale dans des ports israéliens devront soit reconsidérer leur itinéraire, soit envisager de solliciter une escorte militaire », notamment à la mission européenne Aspides déployée dans la zone.
Mais celle-ci « ne dispose que de très peu d’unités navales dans la région », prévient la chercheuse.
En menaçant la liberté de navigation, les Houthis s’exposent toutefois au risque d’une reprise des bombardements américains, mais aussi à de nouvelles attaques de la part d’Israël.
Jeudi, le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a qualifié les Houthis de « menace pour la paix, la sécurité et l’économie internationales ».
« Ne pas les affronter ne fera qu’aggraver le problème », a-t-il déclaré.