Q: Votre ouvrage, paru aux éditions de l’Archipel à quelques jours des 11e Assises de l’économie de la mer, les 3 et 4 novembre à Marseille, est un plaidoyer pour que la France se dote d’une ambition à la hauteur de son potentiel maritime. Pourquoi?
R: La France dispose du deuxième domaine maritime au monde, juste derrière les États-Unis, avec quelque 11 millions de kilomètres carrés. A coté de ce vaste espace maritime, elle dispose d’acteurs majeurs, que ce soit dans la construction navale, le transport de marchandises par la mer, les énergies marines renouvelables, l’algoculture ou les biotechnologies. Le potentiel de développement est énorme, alors que l’économie maritime occupe déjà une place de premier plan en France avec un chiffre d’affaires de 69 milliards d’euros et 300.000 emplois directs.
Q: On entend en effet de plus en plus parler de « croissance bleue », mais il semblerait que son développement n’aille pas aussi vite qu’il faudrait. Pourquoi? La faute aux élites politiques qui n’ont pas pris la mesure des enjeux?
R: Les politiques ne sont pas les seuls accusés, même si je ne les épargne pas dans mon livre. L’ensemble de la société française est responsable, les élites financières qui ont beaucoup de mal à investir dans le maritime, les médias qui ne parlent pas assez des questions maritimes sûrement, l’éducation nationale qui ne forme pas assez les jeunes aux questions de la mer… Et tout ça par ce que la France, mis à part quelque périodes particulières de son histoire, a toujours été plutôt terrienne que maritime.
Q: Vous dites : « Au XXIe siècle, notre pays sera maritime ou ne sera plus grand chose ». Que devrait faire la France pour ne pas rater ce virage? Quelles voies choisir? Quelles opportunités saisir?
R: Si on prend une métaphore sportive on peut dire qu’en France on a à la fois le terrain de jeu et les joueurs, mais il nous manque un bon capitaine. Par exemple, en matière de développement portuaire, il est nécessaire que l’État adopte un rôle de stratège pour améliorer la desserte fluviale et ferroviaire. Il faut que les ports puissent réellement être des portes d’entrée. Idem pour les énergies marines renouvelables, secteur où on fait figure de mauvais élève au niveau international. On est très en retard dans ce domaine par rapport au Danemark, à la Grande-Bretagne ou au Canada. DCNS (groupe de chantiers navals spécialisés dans la défense) a calculé par exemple qu’il mettait deux fois plus de temps pour développer un même projet d’hydrolienne en France qu’au Canada. Il est temps, dans le respect de l’environnement, de passer à la vitesse supérieure. La France ne dispose pas de nombreux leviers de croissance crédibles, en dehors des activités liées à la mer. Heureusement, on note qu’une prise de conscience est en train de se produire, avec par exemple l’ambitieux plan d’action pour la « croissance bleue » lancé fin août par Ségolène Royal, et repris depuis par François Hollande et Manuel Valls.
Propos recueillis par Sandra FERRER