Il est 07H55 le 27 janvier 1968, c’est l’heure de la relève de quart, la situation est normale à bord de « La Minerve », qui envoie un message à son avion accompagnateur. Quatre minutes plus tard, à 07H59, après la perte de tout contact radio, le bâtiment disparaît « par destruction de sa coque », écrit quelques mois plus tard une commission d’enquête de l’armée dans une note confidentielle publiée, sur internet, par Hervé Fauve, fils du commandant du submersible, qui a recueilli documents et témoignages pour comprendre les raisons du drame.
La commission écarte l’hypothèse d’une remontée de « La Minerve » vers la surface, « qu’elle l’ait tentée ou non ».
Sitôt la disparition constatée, le 27 janvier au soir, des recherches sont entreprises. « Si le sous-marin est repéré il serait possible techniquement de lui envoyer de l’air frais », assure alors à l’envoyé spécial de l’AFP le commandant Beaufort, un des officiers qui dirige les recherches à bord du porte-avion Clémenceau. Le sous-marin avait une autonomie de 100 heures.
Les hélicoptères notent la présence de traces de mazout… fausse piste. A 11H37 le 28 janvier, un bulletin de l’AFP: « Les chances diminuent de plus en plus », déclare le commandant Beaufort.
A bord de sa « soucoupe plongeante », un mini-sous-marin, le commandant Cousteau effectue lui-même plusieurs plongées, mais en vain. Plusieurs échos sonars sont entendus et font naître un espoir qui retombe bientôt : ils provenaient de vieilles épaves.
Celle de « La Minerve », malgré trois campagnes de recherches, ne sera jamais retrouvée, ni aucun débris identifié.
Le 8 février 1968, à Toulon, le général de Gaulle, rend un hommage solennel aux marins et à leur commandant, André Fauve: « Des marins sont morts en mer, ils étaient des volontaires, c’est-à-dire qu’ils avaient d’avance accepté le sacrifice, ils avaient conclu un pacte avec le danger ».
-« Jamais certains » –
De multiples causes ont été évoquées: avarie de la barre arrière, selon la commission d’enquête, ou encore collision avec un bateau, explosion d’un missile, d’une torpille et même Ovni et intervention extra-terrestre… Pour Hervé Fauve, « l’hypothèse la plus vraisemblable est celle de l’accident du tube d’aération, le schnordel, dont le clapet retour n’aurait pas fonctionné, l’eau de mer envahissant alors le sous-marin ».
Cela expliquerait, selon lui, la disparition soudaine, en à peine 4 minutes. « Tout est logique avec ce scénario-là », analyse M. Fauve. Alourdi par l’eau, le sous-marin ne peut plus remonter, les moteurs tombent en panne, il coule et implose à 600 mètres de fond.
Or les analyses d’un laboratoire de géophysique de Nice montreront qu’une implosion a bien été enregistrée au moment de la disparition de « La Minerve ».
Lors de la cérémonie d’hommage de février 1968, les 7 marins rescapés de la Minerve –ils n’avaient pas pu embarquer– étaient entourés des équipages de deux sous-marins identiques à « La Minerve », « La Flore », et « L’Euridyce », à bord duquel le général de Gaulle effectue une plongée. Deux ans plus tard, « L’Euridyce » subit le même sort que « La Minerve » et coule avec 57 personnes à son bord. En 1971, c’est au tour de « La Flore », dont l’équipage échappe in extremis à la mort.
Après les accidents de ces trois sous-marins, sur 11 du même type, des mesures correctives ont été apportées et plus aucun n’a subi ce genre d’avarie.
« On a remédié à toutes les causes, on a amélioré les procédures en cas d’accident, et la formation des marins », indique M. Fauve. Mais, ajoute-il « on ne sera jamais certains de la cause » de la disparition de « La Minerve ».