« Le Tribunal (de l’UE) annule les décisions du Conseil relatives, d’une part, à l’accord entre l’UE et le Maroc modifiant les préférences tarifaires accordées par l’UE aux produits d’origine marocaine ainsi que, d’autre part, à leur accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable », dispose un arrêt très attendu du Tribunal de première instance basé à Luxembourg.
Ces accords resteront toutefois en vigueur pendant une période de deux mois maximum « afin de préserver l’action extérieure de l’Union et la sécurité juridique de ses engagements internationaux ».
Dans une déclaration conjointe publiée à Bruxelles juste après l’annonce du tribunal de Luxembourg, l’UE et le Maroc se sont engagés à poursuivre leur « partenariat stratégique ».
Saluant « une victoire triomphale », le Front Polisario (indépendantiste) s’est, lui, félicité d’une décision « historique » pour la cause sahraouie.
Pour expliquer son jugement, le Tribunal de l’UE estime que le Polisario –« reconnu sur le plan international en tant que représentant du peuple du Sahara occidental »– est habilité à saisir le juge de l’Union.
– « Arrêt biaisé » –
Le contentieux du Sahara occidental, ex-colonie espagnole, considéré comme un « territoire non autonome » par l’ONU en l’absence d’un règlement définitif, oppose depuis des décennies le Maroc au Front Polisario, soutenu par l’Algérie.
Rabat, qui contrôle près de 80% de ce vaste territoire désertique, propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté. Le Polisario, lui, réclame un référendum d’autodétermination.
Toutes les tentatives de règlement du conflit ont échoué jusqu’ici.
Dans son arrêt, le Tribunal de l’UE considère que « dans la mesure où les accords litigieux s’appliquent explicitement au Sahara occidental ainsi que, en ce qui concerne le second de ces accords, aux eaux adjacentes à celui-ci, ils affectent le peuple de ce territoire et impliquaient de recueillir son consentement ».
Or, selon lui, l’obligation de recueillir le consentement des Sahraouis n’a pas été respectée.
A Rabat, une source diplomatique marocaine a qualifié l’arrêt d' »incohérent, biaisé et motivé idéologiquement ». « Nous ne sommes pas surpris. Cet arrêt n’aura aucun impact », a affirmé cette source à l’AFP.
Malgré ce revers, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell et le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita ont promis de « prendre les mesures nécessaires afin d’assurer le cadre juridique qui garantit la poursuite et la stabilité des relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc ».
« Nous restons pleinement mobilisés pour continuer la coopération entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc, dans un climat de sérénité et d’engagement, afin de consolider le Partenariat euro-marocain de Prospérité Partagée, lancé en juin 2019 », ont-ils assuré dans leur déclaration commune.
– Eaux poissonneuses –
Le Maroc et l’UE sont liés par un accord d’association, signé en 1996 et entré en vigueur le 1er mars 2000, qui englobe le Sahara occidental.
Ce partenariat prévoit l’application de tarifs préférentiels aux produits du territoire et stipule que ces derniers bénéficient de préférences commerciales.
Pour Rabat, la partie la plus importante de ce partenariat a trait à l’exportation de ses produits agricoles vers l’Europe. Pour les 27, l’un des principaux enjeux porte sur le déploiement de la flotte de pêche européenne dans les eaux adjacentes du Sahara occidental.
Le protocole de pêche conclu entre l’Union et le Maroc –renouvelé en mars 2019 et annulé mercredi– permet à 128 navires européens d’accéder durant quatre ans aux zones de pêche des eaux atlantiques marocaines, y compris au large du Sahara occidental.
Situé sur la côte Atlantique et bordé par le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie, ce territoire est riche en phosphates et son littoral, long de 1.100 km, est très poissonneux.
Dans un communiqué daté de Bruxelles, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM, patronat) a regretté la décision du tribunal « car elle crée de l’incertitude, nuit à l’environnement des affaires et décourage les investissements ».
Cette décision peut faire l’objet d’un pourvoi, limité aux questions de droit, devant la Cour de justice de l’UE dans un délai de deux mois et dix jours. Le gouvernement marocain a d’ores et déjà fait savoir qu’il ne présenterait pas de recours.