SNCM: le ton monte entre syndicats et gouvernement avec l’hypothèse du redressement judiciaire

Les salariés réclamaient depuis plusieurs mois une « clarification » de la position du gouvernement, qui, après avoir validé début janvier un plan de relance de la compagnie passant notamment par l’acquisition de quatre nouveaux navires, avait finalement bloqué le processus de commande fin février.

Dans les colonnes de La Provence samedi, le secrétaire d’Etat aux Transports, Frédéric Cuvillier, leur a donc répondu plus précisément: « la voie redressement judiciaire » favorisée par « la direction de l’entreprise » est « le seul moyen pour redonner un avenir à la SNCM, faire qu’elle redevienne un fleuron », a-t-il affirmé.

C’est la première fois que l’Etat, actionnaire à 25% de la SNCM aux côtés de Transdev (66%) et des salariés (9%), envisage publiquement cette option comme une solution aux déboires récurrents de l’entreprise (14 millions de pertes en 2012).

Cette perspective a immédiatement fait bondir les deux principaux syndicats.

« Le redressement judiciaire, c’est un moyen de démanteler la SNCM, avec plus d’un millier de licenciements. Ce n’est pas acceptable pour nous. M. Cuvillier est un menteur et un liquidateur. Il a fallu 12 jours de grève, précédés d’un préavis d’un mois, pour avoir ça? », a fulminé le représentant CGT des marins, Frédéric Alpozzo, interrogé par l’AFP.

Le secrétaire d’Etat aux Transports est « passé aux aveux. Si nous n’avions pas porté l’exigence de clarification et de vérité, on nous aurait caché la vérité jusqu’en octobre. C’est un procédé honteux, scandaleux », a aussi lancé Maurice Perrin, délégué CFE-CGC et représentant des actionnaires salariés au conseil de surveillance.

Dans un courrier adressé aux organisations syndicales, dont l’AFP a eu copie, M. Cuvillier insiste pourtant sur le fait qu’un redressement judiciaire serait « le contraire d’une liquidation ». Et il confirme que « seul ce plan de redressement pour construire une nouvelle SNCM peut permettre de mettre fin aux contentieux européens ».

– Atmosphère crispée –

La SNCM est en effet condamnée par Bruxelles à rembourser 2 fois 220 M EUR d’aides publiques jugées illicites, un obstacle infranchissable pour d’éventuels repreneurs. M. Cuvillier « négocie avec Bruxelles un périmètre très réduit de la compagnie, alors que la défense des droits n’est pas épuisée, loin de là », dénonce donc la CFE-CGC.

Le spectre d’une SNCM recentrée sur la seule desserte Marseille-Corse, et délestée de ses liaisons depuis Nice et Toulon, ressurgit donc avec la perspective d’un passage devant le tribunal de commerce, que préconise également Transdev depuis fin février.

C’est pourquoi les syndicats évoquent la crainte d’un millier de suppressions d’emplois, en sus des 500 départs volontaires (sur 2600) auxquels ils se sont rangés en janvier, au titre des efforts de productivité et en contrepartie de la commande des quatre navires, dont M. Cuvillier annonce officiellement l’abandon.

S’il affirme en effet qu’il faudra « moderniser la flotte » de la SNCM, le secrétaire d’Etat assure néanmoins que celle-ci « n’est pas en mesure aujourd’hui de passer commande de nouveaux navires ».

M. Cuvillier pointe aussi une situation financière qui « s’aggrave de jour en jour » avec la grève, appelant « chacun » à se montrer « responsable ». Mais les marins CGT ont reconduit samedi le mouvement qui paralyse les 8 navires de la compagnie, dont 3 des 4 jusqu’alors stationnés en Corse ont rallié le continent par mesure de sécurité, sur décision de la préfecture.

Les socio-professionnels corses exigent en effet que les accès aux ports de l’île soit le plus dégagés possibles, alors que débute la haute saison touristique. Les hôteliers, par exemple, se plaignent d’une chute des réservations. Un climat tendu, qui a conduit à des affrontements jeudi soir lorsque certains d’entre eux ont tenté de prendre d’assaut à coups de pierres le Jean-Nicoli, dans le port de Porto-Vecchio.

C’est aussi dans cette atmosphère crispée qu’une réunion doit se tenir lundi en préfecture à Marseille entre les syndicats et Gilles Bélier, le négociateur mandaté par l’Etat dans ce dossier, dont les syndicats considèrent qu’il doit en référer directement au Premier ministre Manuel Valls et non à Frédéric Cuvillier, « décrédibilisé » à leurs yeux.

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