Sodebo Ultim 3: s’il vous plaît… dessine moi un bateau qui vole

« Au départ, c’est un bateau dans ta tête, tu le transmets, il devient un dessin en 3D, c’est très virtuel. Au bout du compte, ça devient un volume, une architecture issue d’une émotion vécue en mer, que j’ai essayé de retranscrire pour la revivre avec une sonorité différente parce que je veux aller plus vite »: Thomas Coville conte la fabuleuse histoire de sa dernière machine, de la classe très élitiste des Ultim 32/23.

Une aventure au long cours que l’AFP a pu suivre sur différentes étapes de la construction, principalement sur le chantier à Vannes (Morbihan).

. Une idée derrière la tête

Noël 2016. Coville boucle un tour du monde record en solo en 49 jours. Sur un bateau de plus de 10 ans d’âge. L’avenir est au bateau volant, ceux qui sont équipés de foils (appendices latéraux qui font émerger le bateau). Le 27 décembre, le marin a rendez-vous avec Patricia Brochard, coprésidente de Sodebo. L’affaire est entendue, un nouveau maxi-multicoque de la classe des Ultim est lancé pour s’inscrire dans cette nouvelle ère de la course au large. Coville le veut résolument atypique et innovant.

. D’abord un jouet en bois

Une petite pièce au fond d’un grand hangar. C’est dans cet espace sombre et étroit, situé à la Trinité-sur-Mer, que Coville a nourri son projet. Il y a fabriqué une maquette, celle de son espace de vie sur son futur voilier. Une sorte de cabane en bois, avec la bannette pour dormir, des instruments modernes de navigation (tout en bois également) sur lequel il a collé des chiffres comme si tout était en fonctionnement. « J’avais besoin d’outils pour me faire comprendre. Je n’aurais pas pu juste avec des mots », confie Coville, assis dans cet habitacle factice, surprenant et intime. « Ca a été quasiment une scène de théâtre ici. Ca s’est fait des fois très sérieusement, des fois dans des fous-rires ». Coville a tout envisagé dans cet espace, y compris de dormir debout !

. Un puzzle géant

Coville a opté pour une manière nouvelle de concevoir: le projet collaboratif. Chacun apporte ses idées pour répondre aux besoins et aux envies du skipper. Celle de Renaud Bañuls, l’un des membres du design team, est un cockpit à l’avant. Du jamais vu. Ce sera validé ! Le bureau d’études, une pièce réservée aux ingénieurs qui pensent le jour et rêvent la nuit du bateau, est en ébullition. Ils s’affairent à développer des matrices mathématiques pour créer des moules destinés à fabriquer les grosses pièces. Dans le grand hangar Multiplast, transformé en fourmilière, la coque centrale et les deux flotteurs – tous formés de deux coquilles collées au millimètre près – occupent l’espace sans se soucier les unes des autres. Il y a aussi un atelier où sont fabriquées toutes les petites pièces par des « fortes têtes ». « Parfois c’est chaud, entre eux. Même avec nous », dit Coville en leur jetant un oeil amusé et bienveillant.

. Le jour où tout s’assemble

A la mi-avril, tout s’empile… Un bruit permanent et commun à tous les ateliers, une poussière blanche qui tapisse l’atmosphère, et la vingtaine de personnes au service du trimaran qui s’agite: le bras avant vient d’être livré. Il va être greffé pendant un mois, avant l’arrivée du bras arrière, puis ce sera le greffage du flotteur tribord puis du flotteur babord. A l’intérieur de ces éléments majeurs, certains ont gravé leurs initiales, comme l’avait suggéré Coville s’inspirant des bâtisseurs de cathédrales. Des couches de peintures pour faire briller le géant aux couleurs du sponsor et les foils entrent dans le jeu. Ca ressemble enfin au bateau de rêve.

. Des couacs ? Des regrets ?

« On sait déjà qu’on ferait des choses différemment, c’est horrible mais il faut l’accepter », glisse Coville deux mois avant la sortie de l’ouvrage. « Les gens qui font tout bien du premier coup doivent s’emmerder très vite ! » Dans l’ensemble, tout s’est déroulé plutôt comme prévu. Le marin a été exigeant, n’hésitant pas à faire refaire des pièces pas assez bien confectionnées.

. Une mise au monde

Au coeur du projet, Thomas Coville s’est astreint à un briefing tous les lundis avec l’équipe et est venu presque chaque jour sur le chantier, quand il n’était pas en course ou en train de courir après un record. Avec ce besoin tactile de saluer les collaborateurs puis, le soir venu, de se retrouver seul, parfois dans le noir, face à ce géant des mers en devenir. « Je ne pensais pas que ça allait me prendre les tripes comme un petit garçon », confie le marin, les traits marqués par un projet qui l’a vampirisé. « Nous, les hommes, on ne crée rien vraiment qui sort de nos tripes. Ce n’est pas un enfant mais c’est quelque chose qui depuis des années sort un peu de moi ».

. Un monde nouveau

Après deux ans de chantier et 110.000 heures de travail, Sodebo Ultim 3 est dévoilé. Le maxi casse les codes. Placé traditionnellement à l’arrière, le cockpit a été très avancé, de 7 mètres, pour optimiser l’efficacité des foils. La cellule de vie, intégrée dans le bras avant, se retrouve devant le mât et les masses ont été recentrées. Comme les gros avions. Bref, un bateau géant qui semble voler.

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