Sous-marin disparu: la nappe d’hydrocarbures est un « mauvais signe » (amiral français)

Paris, 23 avr 2021 (AFP) – La nappe d’hydrocarbures repérée au large l’île de Bali où a plongé le submersible indonésien porté disparu est un « mauvais signe », de surcroît dans une zone de grande profondeur, explique à l’AFP le vice-amiral français en retraite Jean-Louis Vichot, ex-commandant de sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE).

Q: Que peut signifier la présence d’une tache d’hydrocarbures dans la zone?

R: La tache d’hydrocarbures, c’est mauvais signe. Ce diesel est contenu dans des soutes, à l’extérieur et l’intérieur. Si la coque craque, les réservoirs vont casser et le gazole va remonter à la surface. Si ce gazole provient bien du sous-marin indonésien, c’en est probablement fini du sous-marin.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, quand les sous-marins allemands voulaient échapper au grenadage, ils lâchaient volontairement du gazole pour faire croire que le sous-marin était touché et avait coulé.

La bonne nouvelle dans ce malheur, c’est que grâce à cette tache, les secours savent à peu près où chercher.

Q: Comment retrouver un sous-marin qui ne répond plus?

R: L’Indonésie a envoyé deux frégates dotées d’équipements sonar qui servent à la chasse aux sous-marins et de sondeurs multi-faisceaux. Les Singapouriens ont également envoyé un navire de sauvetage de sous-marins doté de robots qui, dès qu’on aura trouvé quelque chose ressemblant à une épave, pourront vérifier la présence du sous-marin et voir s’il y a encore un espoir d’aller chercher des gens au fond. Mais ce sous-marin est un peu ancien, il n’est pas évident qu’on puisse récupérer des gens avec un sous-marin de secours, parce qu’il faut avoir un sas à bord et une plateforme pour fixer l’engin de secours.

A bord des sous-marins, il existe aussi une bouée de détresse de couleur, équipée d’un phare et d’une petite antenne. Si jamais on a eu un problème à bord et que personne n’est capable de réarmer le système de sécurité, si par exemple l’équipage est asphyxié en cas d’incendie, la bouée se largue automatiquement au bout de 24 ou 48 heures et remonte à la surface pour émettre. Sauf si le sous-marin s’est écrasé sur le fond très vite et que le dispositif est coincé.

Les sous-marins sont également équipés de petits émetteurs sonores alimentés par une batterie autonome. Quand le réseau électrique du sous-marin ne les alimentent plus, ils se mettent en route. Ce système peut durer entre une semaine et 15 jours. C’est une balise, en quelque sorte, comme pour les avalanches. Mais il faut que le sous-marin ait suffisamment résisté pour que la balise soit en état d’émettre.

Q: Jusqu’à quelle profondeur un sous-marin de ce type peut-il résister à la pression ?

R: Malheureusement, on est dans un endroit où il y aurait 700 mètres de fond, alors que la mer de Bali n’est généralement pas très profonde, ce qui explique d’ailleurs le choix par l’Indonésie de ces sous-marins de construction allemande, conçus pour la Baltique et la mer du Nord et qui opèrent plutôt par des fonds faibles ou moyens.

Leur immersion de destruction est de l’ordre de 300 ou 400 mètres. Les coques sont étudiées pour résister, mais jusqu’à une certaine pression. Quand la pression croît trop, la coque va se contracter puis quand l’acier n’est plus suffisamment élastique, elle va se rompre et ça se déchire. C’est comme un accordéon qui se replie.

Q: De quelle réserve d’oxygène dispose l’équipage?

R: Dans un sous-marin de ce type, il y a un bon volume d’air à bord. Même s’il y a eu une avarie, on peut respirer pendant 5 à 10 jours, à supposer que le sous-marin soit intact, posé sur le fond. Le problème, c’est qu’ils étaient plus nombreux que prévu. Sur ce type de sous-marin, l’équipage compte une quarantaine d’hommes. Cette fois ils étaient 53. Or ces personnels supplémentaires prennent de l’oxygène, c’est autant de moins pour les autres.

Mais on ne peut survivre à bord du sous-marin que si la coque est en bon état et qu’il est étanche. Si le sous-marin est parti à 400 ou 500 mètres de fond, on peut encore espérer. Au-delà, c’est fini.

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