Sur le port de Marseille, les croisiéristes, les dockers et les valises de la discorde

Depuis début mai, ils ont bloqué à deux reprises le port, empêchant bus et taxis de venir chercher les touristes… contraints de parcourir des kilomètres à pied, valise à la main, pour sortir de l’enceinte portuaire et trouver un moyen de transport.

« Certains ont raté des avions, des trains. C’est monstrueux pour l’image de Marseille! », peste Jacques Massoni, directeur du terminal de croisières géré par les compagnies MSC et Costa. « Furieux », des armateurs ont même commencé à snober le port en déroutant leurs navires vers d’autres escales, comme le groupe Carnival l’a fait dimanche.

Pourtant, depuis la réforme portuaire, dont la mise en place s’était accompagnée de son lot de perturbations – en 2010, des milliers de passagers avaient dû rejoindre le quai à bord de chaloupes – la CGT semblait s’être assagie et la cité phocéenne croyait les mouvements sociaux derrière elle.

Mais dans les bassins Est, le trafic conteneurs est à la peine, alors que la croisière affiche une santé insolente, dopant l’économie de la ville. Le cap du million de voyageurs sera même franchi cette année, contre 890.000 en 2012 (soit cent fois plus qu’en 1992!), pour des retombées commerciales dépassant les 150 millions d’euros.

Gattaz et Gaudin donnent de la voix

Une manne dont voudraient bien profiter les dockers, qui s’occupent aujourd’hui du chargement et déchargement des valises du bord à quai, avant leur prise en charge par des porteurs d’une société privée jusqu’aux carrousels à bagages. Leur revendication: mettre la main sur l’ensemble de la logistique.

Pour faire entendre sa cause, le syndicat CGT, dont le secrétaire général a décliné les demandes d’interview, a déposé un préavis de grève jusqu’à fin juillet, actuellement suspendu dans l’attente d’une réunion à la préfecture mercredi.

Les négociations s’annoncent tendues tant les positions semblent irréconciliables. « C’est dire: +ôte-toi de là que je m’y mette+, ça nous nous y refusons! », lâche M. Massoni, jugeant cette demande « complètement infondée et difficilement supportable économiquement », un docker coûtant « trois fois plus cher » que les salariés actuels.

Une telle option « condamne la croisière à terme », affirme Jean-Luc Chauvin, président de l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE 13), car les armateurs n’accepteront jamais ce surcoût et iront voguer ailleurs.

En visite lundi à Marseille, Pierre Gattaz, le nouveau patron du Medef, n’a pas manqué de fustiger « une grève totalement irresponsable ». « On va mettre des mois et des années à redresser l’image de Marseille », a-t-il déploré.

Même ton alarmiste du côté de la mairie. « Une nouvelle fois, ceux qui devraient avoir le plus à coeur de défendre l’activité du port de Marseille s’ingénient à l’entraver. Sans doute seraient-ils heureux que les croisières abandonnent le port de Marseille pour aller à Gênes, Nice ou Barcelone », a réagi Jean-Claude Gaudin (UMP).

Au-delà du marché de la croisière, l’activité du Grand port maritime de Marseille (GPMM), en pleine reconquête de ses clients échaudés par les mouvements sociaux passés, pourrait être affectée si le conflit était amené à perdurer, avertissent patronat et élus. Et en premier lieu, la réparation navale, dont la plus grande forme en Méditerranée s’apprête à être relancée après de longues années d’arrêt, un atout de taille pour attirer les géants des mers.

anb/cho/ed/pid

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