– Une chair très prisée des Japonais –
Le thon rouge, c’est « le roi », résume un pêcheur français. Grand migrateur, c’est le plus gros des thons; il peut peser jusqu’à 400 kg et traverser des océans, s’adaptant aux profondeurs comme aux températures. Il vient en périodes de reproduction dans les eaux chaudes de Méditerranée, où il est pêché.
Sa chair est très prisée des Japonais. 80% des thons pris par les gros thoniers senneurs partent au Japon, après avoir été engraissés dans des fermes en Méditerranée pour mieux répondre au goût du consommateur. Le reste, notamment issu des pêches artisanales, est vendu sur les marchés locaux – le thon des sushis vendus en Europe est généralement de l’albacore, variété de thon tropical qui n’est pas du thon rouge.
– Une pêche ultra-réglementée, et un modèle –
Dans l’Atlantique-Est et en Méditerranée, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (Cicta) a mis en place en 2007 un quota de pêche et des mesures de contrôle sur 15 ans, face à l’effondrement du plus gros stock de thon rouge au monde et à la menace de voir ainsi le « thunnus thynnus » ajouté à la liste de l’ONU des espèces menacées.
Les filets dérivants et l’utilisation d’avions pour repérer les bancs ont été interdits; la période de pêche à la senne (filet) a été réduite à un mois par an et s’arrête avant si les quotas sont atteints, et est limitée aux poissons de plus de 30 kgs (8 kgs pour les pêcheurs à la ligne, qui ont 10% du quota). Les senneurs embarquent un observateur de la Cicta, et peuvent être localisés via une balise.
La Cicta fixe aussi un quota pour le thon rouge en Atlantique Ouest.
En septembre, des Etats d’Asie-Pacifique ont décidé, sur proposition du Japon, de réduire de moitié les prises de jeunes thons rouges (« thunnus orientalis ») dans leur région. L’initiative, inédite, a été prise par la Commission des pêches du Pacifique occidental et central (équivalent de la Cicta dans la région) après la publication d’une étude indépendante montrant un effondrement des stocks.
Quant à la situation du 3e type de thon rouge, celui de l’hémisphère Sud, elle est « catastrophique », souligne Sylvain Bonhommeau de l’Ifremer (Institut de recherche sur la mer). Une situation globale qui fait craindre aux ONG et scientifiques une pression d’autant plus forte en faveur d’une reprise active de la pêche en Méditerranée.
– Une économie bouleversée –
En France, principal pays pêcheur de Méditerranée avec l’Espagne et l’Italie, le nombre de senneurs, pour la plupart basés à Sète, est passé de 32 à 17 sous le coup des mesures de gestion du thon rouge. Mais la perte a été compensée par un triplement des prix.
La pêche à la senne est aussi rentable car un bateau peut faire son quota annuel en quelques jours, les poissons tendant à se regrouper en ces périodes de reproduction. La pêche artisanale (87 navires à l’hameçon en Méditerranée française) peut rencontrer plus de difficultés.
« Le problème aujourd’hui est qu’il y a eu un tel matraquage médiatique que personne ne veut plus acheter de thon rouge », dit Bertrand Wendling, de l’organisation de pêcheurs SaThoAn, estimant qu’il faut revaloriser l’image de cette pêche en « jouant la transparence à l’égard des acheteurs ».