« Le peuple veut le démantèlement du groupe chimique », « Nous voulons vivre », « Gabès est victime de la pollution et de l’injustice du gouvernement », ont scandé les protestataires rassemblés à l’appel de l’ONG Stop Pollution.
L’association a appelé à manifester après la diffusion vendredi par des médias locaux de vidéos montrant des élèves ayant des difficultés à respirer dans une école de Chott Essalem, proche d’une énorme usine de fertilisants. On y voit des agents de la Protection civile et des parents inquiets.
Le 9 septembre, une vingtaine de personnes avaient été hospitalisées à Gabès pour des problèmes d’asphyxie liés à des émanations provenant de la même usine, selon la radio locale Jawhara FM.
Le complexe du Groupe chimique tunisien (GCT), société étatique de traitement du phosphate, implanté près de la plage du Chott Essalem, a été inauguré en 1972.
Les mines de phosphate sont la principale richesse naturelle du pays.
Après des années de conflits sociaux ayant perturbé l’extraction et le transport du phosphate, le président Kais Saied a décidé de relancer ce secteur où la Tunisie est tombée du 5e rang mondial en 2010 au 10e actuellement.
Le gouvernement a aussi prévu de presque quintupler la production d’engrais d’ici 2030 (d’environ 3 millions de tonnes par an à 14 millions) pour profiter de la hausse des prix mondiaux.
Produire des fertilisants émet des gaz hautement toxiques comme le dioxyde de soufre et l’ammoniac, tandis que le phosphogypse (résidu de cette production) contamine les sols et nappes phréatiques avec des substances cancérigènes comme le plomb et l’arsenic.
Les habitants de Gabès protestent depuis des années contre la dégradation de leur environnement, déplorant aussi un déclin de la pêche dans cette oasis côtière jadis très poissonneuse.
Selon un rapport du laboratoire universitaire français Géosciences Environnement Toulouse, datant de décembre dernier, l’usine de Gabès émet « des niveaux très élevés » de polluants avec des « conséquences dévastatrices » dont des « malformations cardiaques » et divers types de « cancers ».
En 2017, les autorités avaient promis le démantèlement du complexe et son remplacement par un établissement conforme aux standards internationaux. Un projet resté lettre morte.