Approuvé par un vote au Comité de la protection du milieu marin, l’accord est jugé très insuffisant par les pays insulaires du Pacifique et par des ONG, et ne satisfait pas non plus certains grands pays producteurs d’hydrocarbures, qui ont voté contre.
Selon ce texte, qui doit encore être formellement adopté en octobre par l’assemblée de l’OMI, les navires devront, à partir de 2028, soit utiliser un mélange de carburants à moindre intensité de carbone, soit payer pour l’excédent d’émissions par rapport à une trajectoire cible de réduction.
L’argent collecté par ce système servira à « récompenser » les technologies ou carburants zéro ou quasi-zéro émission et à soutenir financièrement les pays en développement dans le cadre de la transition énergétique du secteur.
La répartition des fonds entre ces objectifs n’est pas prédéterminée par l’accord approuvé vendredi. Les sommes sont « estimées grossièrement entre 10 à 15 milliards d’euros par an dans les années 2030 », selon une source proche du dossier.
En 2023, les membres de l’OMI s’étaient engagés à atteindre par paliers la neutralité carbone d’ici 2050: 40% de réduction en 2030 par rapport à 2008, puis 80% en 2040.
– Pas de consensus –
L’absence de consensus, qui a obligé à un vote au sein du Comité, est particulièrement rare dans cette organisation et symbolise les divisions profondes des délégations.
Dans le détail, 63 pays ont voté en faveur de cet accord, dont l’Union européenne, le Brésil, la Chine, l’Inde, le Japon, etc. Et 16 se sont prononcés contre, notamment des grands producteurs d’hydrocarbures comme l’Arabie Saoudite, la Russie ou les Emirats Arabes Unis.
Les pays insulaires du Pacifique, particulièrement vulnérables aux effets du réchauffement climatique, rejoints par d’autres pays, plaidaient pour un prélèvement carbone sur l’ensemble des émissions du transport maritime, et pas seulement celles excédant la trajectoire.
Ces pays se sont abstenus, jugeant les mesures insuffisantes.
« Nous ne pouvons pas soutenir un résultat qui n’est pas à la hauteur de la stratégie » affichée par l’OMI, regrette Manasseh Maelanga, ministre du Développement des infrastructures des Îles Salomon.
« L’ambition n’est pas celle qu’on espérait en termes de trajectoire, mais elle est supérieure à ce qui existe déjà dans le cadre européen », affirme de son côté auprès de l’AFP une source française à l’OMI.
– « Une certaine ambition » –
D’autant que le secteur maritime est en avance par rapport à d’autres secteurs, et même « à des années lumières de ce qui est fait dans le transport aérien », fait-elle valoir.
L’accord permet de « préserver une certaine ambition » et symbolise une « victoire du multilatéralisme », poursuit la même source, dans un contexte où les Etats-Unis, qui ont complètement changé de position avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, avaient décidé de ne pas venir à la réunion du comité.
« Les gouvernements ont compris la nécessité de catalyser et de soutenir les investissements dans les carburants à zéro émission », juge l’International Chamber of Shipping (ICS), qui représente les armateurs, craignant cependant que cela « n’aille pas assez loin pour apporter la certitude » d’atteindre les objectifs de 2023.
Constance Dijkstra, de l’ONG Transport & Environment, craint pour sa part que les règles validées vendredi représentent une autoroute pour les biocarburants, qui sont controversés.
Si le Brésil jure que leur production peut se faire sans empiéter sur la forêt, Mme Dijkstra juge au contraire, auprès de l’AFP, « très préoccupant pour la déforestation » la production en masse de ce type de combustibles.
Par ailleurs les pays membres de l’OMI se sont accordés cette semaine pour créer une nouvelle zone de contrôle des émissions dans le Nord-Est de l’Atlantique, qui limite l’utilisation des carburant maritimes les plus polluants, entourant les côtes de l’Europe de l’Ouest, de l’Islande et du Groenland.