Pendant des siècles, des millénaires même, la question de la liberté des mers ne s’est pas posée : on prenait la mer, point. C’est cette liberté qui a permis aux premiers hommes de peupler les continents via le premier moyen de locomotion inventé par notre espèce : le bateau. C’est cette liberté encore qui a été à l’origine des premiers échanges commerciaux à longue distance, des grandes transformations alimentaires – implantation de la pomme de terre en Europe… – ou encore des grandes avancées scientifiques, Darwin rappelant sans cesse ce que devait sa théorie de l’évolution à sa circumnavigation sur le Beagle, qui lui permit d’étudier et surtout de comparer l’évolution de la faune et de la flore.
C’est cette même liberté qui est de nos jours interrogée, questionnée, et de plus en plus encadrée. Dans tous les domaines : circuler, rechercher, entreprendre en mer se font aujourd’hui sous conditions. On évoque souvent sur ces questions les tentations de « territorialisation des océans » en mer de Chine ou ailleurs, mais il existe d’autres formes de restrictions tenant à des questions de protection du milieu marin, de sécurité ou de sauvegarde.
Elles sont bien entendu nécessaires, la liberté des mers ne signifiant pas l’anarchie et exigeant bien au contraire son corollaire : la responsabilité. Il ne s’agit ainsi pas simplement pour un État de délivrer un pavillon, mais aussi de s’assurer que les navires circulant sous ses couleurs se conforment aux normes internationales. De la même façon, disposer d’une ZEE offre la liberté à l’État côtier d’en exploiter les ressources, mais aussi la responsabilité de les protéger contre le pillage et les pollutions.
C’est aussi à cela que sert notre Marine, à deux niveaux. La Marine nationale garantit avec ses moyens hauturiers la liberté de circulation, la protection de notre territoire et de nos ressortissants en usant elle aussi de la liberté de manœuvre que lui offre le droit de la mer et, dans le cadre de l’action de l’État en mer, accomplit
sa mission de police en mer sans laquelle la liberté ne peut s’épanouir. Il importe de veiller aussi à ce qu’elle ne soit pas étouffée, asphyxiée sous trop de réglementation : c’est le fil conducteur de cette nouvelle livraison d’Études marines dans laquelle, de l’entrepreneur au scientifique en passant par le juriste ou l’officier de Marine, tous s’efforcent de dessiner un équilibre permettant de concilier liberté et protection.