Les loisirs à McMurdo

Cela fait deux mois déjà que je suis sur la base de McMurdo et on en a tous finalement fait le tour. Le personnel de soutien des missions scientifiques a tout mis en œuvre pour envoyer les climatologues, les spécialistes météo, les professionnels des manchots, royal et empereur, les préleveurs de carottes de glace, les glaciologues ou autres spécialistes en microbes de la « dry valley » aux quatre coins du continent où ils campent maintenant et effectuent leurs missions. Pour nous, à McTown, c’est le début d’une période calme ou l’on prend le temps de faire une remise en condition matérielle, une mise à jour des équipements, et la préparation du matériel à recycler. Pour la cellule informatique, c’est la mise à la retraite d’ordinateurs, de moniteurs, d’imprimantes et autres périphériques. C’est la destruction des disques durs. Pour tous, ici, faute de « Pôle sud », d’aventure sur la glace, c’est la routine d’une machine tellement bien huilée qu’elle est parfois ennuyeuse. La magie de l’Antarctique a laissé place à une vie plus monotone, et en attendant l’arrivée du brise-glace et des baleines, il faut absolument échapper au « train-train » et se trouver des occupations, des loisirs. Il y a beaucoup d’énergie à McMurdo et il faut l’employer à bon escient. La tentation des bars et de l’alcool est forte. Ignorer les règles et faire des bêtises est aussi une possibilité. Toute cette énergie doit être canalisée vers des actions positives pour éviter le désastre.

Il y a donc énormément de talent et d’énergie à McMurdo, et l’isolement de la base encourage surtout les initiatives et le volontariat. Nous avons un journal, L’Antarctic Sun, trois clubs de conversation (Français, Espagnol et Italien), un club de couture, un club d’arts divers, un club d’échec, un club de musculation, de course à pied, d’escalade, de foot, de basket ball, de frisbee, de ping pong, de radio amateurs. Il y a un club LGBT et nous avons eu notre Gay Pride. Nous avons aussi le Yacht club de la mer de Ross, le yacht club exclusif de l’Antarctique. Il est possible de se porter volontaire pour animer son propre programme radio a la station FM, ou d’animer une émission télé. Nous pouvons assister aux présentations faites par les différents groupes de scientifiques, et aux conférences liées aux voyages données au Yacht club. Nous avons aussi une bibliothèque bien fournie, un lieu calme qui permet aux lecteurs de profiter de leurs livres favoris, et des kiosques informatiques pour ceux qui n’ont pas d’ordinateurs. Le bureau « loisirs » organise aussi des visites du bâtiment des sciences (Crary Buiding) et de son aquarium, de la hutte de l’explorateur anglais Scott (hutte construite à la fin du XIXe siècle), des rotations au « tube d’observation sous-marine » (Ob Tube), des visites shopping/bar à la base néo-zélandaise de Scott, et bientôt une excursion en moto des neiges au pied du volcan Erebus. Un réseau de pistes est ouvert autour de la base et permet de s’aventurer, sur la glace, par la mer, de McMurdo a la base de Scott ou à Williams Airfield (aéroport sur la glace), de monter sur Observation Hill (Ob Hill), ou d’aller au sommet de Castle Rock, un bloc cubique avec une vue magnifique sur Erebus et la mer de Ross. Ces randonnées durent de 2 à 5 heures et sont soumises à des mesures sécuritaires strictes (minium deux personnes, radio, équipement grand froid, enregistrement au départ et au retour auprès de la veille radio). Le bureau « Loisirs » organise aussi les cross de 5 et 10 kms et le marathon. Il est, enfin, possible d’emprunter des vélos tout terrain avec de gros pneus, et des skis de randonnée.

Les dortoirs sont nombreux et nous couchons dans des chambres de deux à cinq personnes. Ceux comme moi qui ne sont qu’à leur premier séjour ici sont condamnés aux chambres de cinq. Ceux qui reviennent ont de meilleures chambres. A chaque étage, il y a un salon loisir (lounge) avec une télé (chaine et radio de la station, et chaines satellites), un grand choix de livres et de DVDs et autres cassettes vidéos. Nous avons aussi un bel assortiment de jeux de société et de puzzles. Dans le lounge du bâtiment bleu 155 (le réfectoire), nous avons aussi le bureau « moral » avec sa connexion « vidéo conférence ». Il faut réserver, à l’avance, son créneau de trente minutes par semaine.

Et enfin, il y a les deux bars et le Coffee House. Le Gallagher’s Pub est le bar le plus « animé ». En plus des boissons alcoolisées, il offre une piste de dance, karaoké, bingo, et des parties à thème. Son nom vient d’un ancien sous-officier supérieur, barman volontaire, mort en 1997. Le Southern Exposure est le deuxième bar, plus calme que le premier. C’est un bar de sport, avec ses grands écrans télé. Il y a enfin, le Coffee House installé dans un des vieux bâtiments de la base, une Quonset Hut métallique datant des années cinquante. Son intérieur est boisé, le climat intime, et des volontaires se succèdent au quotidien pour y offrir gratuitement toutes sortes de cafés importés. Dans la salle adjacente, une grande télé écran plat fait face à des fauteuils et sofas, assez nombreux pour y asseoir une trentaine de personnes. A côté du coffee House, la chapelle « Notre Dame des Neiges », le dos tourné à l’océan de glace, attend ses paroissiens catholiques, protestants, et de toutes autres confessions. Les messes sont quotidiennes et les discussions théologiques hebdomadaires.

Comme je l’ai dit dans un blog précèdent, McMurdo n’est pas très bien connecté, et les téléphones portables ne fonctionnent pas, ou peu. La bande passante est faible. Priorité est donnée à la science et au réseau, pas aux loisirs. Les 1200 hommes et femmes de la base doivent donc interagir verbalement et physiquement, comme au « bon vieux temps ». Il est tellement agréable de voir ces jeunes jouer aux cartes ou au ping pong, faire des puzzles, ou lire un livre ! Tout le monde attend « le progrès », la connexion prévue au réseau des 3000 satellites « StarLink » de Elon Musk, le milliardaire qui nous vend ses voitures Tesla électriques. Il a annoncé, en septembre dernier, que son système Starlink couvrait maintenant les sept continents, mais en fait, ce n’est pas vraiment encore le cas ici. Nous avons une connexion a ses satellites mais elle est encore loin de suffire à nos besoins.  La majorité ici considère quand même cela comme un pas en avant pour la base de McMurdo et pour la science. Moi, je vois ça comme la fin de ce qui faisait l’humanité du site. Dans un an, peut être deux, tout ce que j’ai décrit ci-dessus se résumera à ce qu’est devenu notre quotidien chez nous : à part les bars et les randonnées, tout le reste se fera individuellement sur des téléphones portables. La communication, la lecture, les films, les jeux…viendront du petit écran de nos téléphones et l’interaction humaine se réduira aux textos, I-messages et autres air-drops.

Marine & Oceans
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La revue trimestrielle MARINE & OCÉANS est éditée par la "Société Nouvelle des Éditions Marine et Océans". Elle a pour objectif de sensibiliser le grand public aux principaux enjeux géopolitiques, économiques et environnementaux des mers et des océans. Informer et expliquer sont les maîtres mots des contenus proposés destinés à favoriser la compréhension d’un milieu fragile.   Même si plus de 90% des échanges se font par voies maritimes, les mers et les océans ne sont pas dédiés qu'aux échanges. Les ressources qu'ils recèlent sont à l'origine de nouvelles ambitions et, peut-être demain, de nouvelles confrontations.

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