Emmanuel Macron a inscrit la connaissance des grands fonds marins parmi les dix objectifs du Plan d’investissement « France 2030 » avec à la clé près de deux milliards d’euros sur cinq ans. Eclairage.
Investir dans le champ des fonds marins, tel est l’objectif ambitieux (n°10) du plan d’investissement France 2030, présenté par le Président Macron le 12 octobre 2021. Ambitieux et nouveau car si nous, les océanographes de plusieurs générations successives, entendons parler des richesses des grands fonds marins depuis longtemps, c’est bien la première fois qu’un président français s’empare du sujet avec un tel enthousiasme.
Il n’y a là rien d’étonnant au regard des progrès réalisés par la recherche académique pour laquelle la France est à l’avant-garde avec ses centres de recherche dédiés. Au fil des années, la compréhension progressive des relations entre « les océans » et « la planète » a notamment mis en lumière les ressources, les sensibilités environnementales, les liens systémiques et les enjeux de ces zones profondes. Ce sont particulièrement ces enjeux (mais pas uniquement) qui vont motiver le fait d’investir dans le champ des fonds marins.
Les premiers enjeux auxquels on pense sont liés à la valorisation économique des ressources sous-marines profondes, qu’elles soient biologiques (avec les molécules d’intérêt dont les laboratoires de biologie médicale sont friands), énergétiques renouvelables (avec l’utilisation des eaux très froides), ou encore minières (avec les métaux stratégiques). Les ressources minières vont exercer une influence considérable sur la mise en œuvre des transitions énergétiques et numériques. La prolifération des débats sur la pénurie prédite de certains métaux, tellement rares qu’ils en deviennent stratégiques, est symptomatique de ces enjeux. Stratégiques et d’importance géopolitique, car ces métaux sont, dans bien des cas, la clé de la souveraineté d’approvisionnement de ces ressources dont vont dépendre les équipements liés aux déploiements des technologies « douces » liés au verdissement des énergies fossiles, à la digitalisation de l’économie, etc…
Au-delà de cette souveraineté qui est primordiale, ce sont les conditions d’exploitation des ressources minières terrestres qui sont critiques et peuvent apparaitre comme des contraintes rédhibitoires face aux nécessités éthiques des nouvelles donnes de l’économie. Or, malgré les craintes souvent justifiées des environnementalistes, il n’est pas inadmissible de comparer les avantages et les inconvénients des exploitations terrestres versus les éventuelles futures exploitations marines. Ces dernières ne sortiraient sans doute pas perdantes, à condition, bien sûr, de prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas reproduire les erreurs du passé commises lors des exploitations des ressources fossiles non renouvelables.
Un patrimoine largement méconnu
On ne cesse de répéter que la France a la deuxième surface mondiale sous-marine avec sa zone économique exclusive de près de 12 millions de Km² qui pourrait encore être étendue en profitant de territoires insulaires dispersés sur les trois principaux océans. Or cette gigantesque surface océanique est quasiment totalement méconnue. C’est-à-dire qu’une partie considérable du territoire français (les ZEE sont sous régulation des Etats) reste sans inventaire de ses richesses biologiques, géologiques, énergétiques. La France néglige ainsi, essentiellement par omission et/ou manque de moyens, une part importante de son patrimoine.
Cette immense ZEE couvre des zones aux histoires géologiques très différentes fournissant ainsi à la France une très grande variété de ressources minières localisées dans des environnements aux sensibilités elles aussi très variées. Les connaissances acquises par la recherche académique sont encore insuffisantes pour en dresser un inventaire détaillé et surtout discriminantes au regard des choix politiques imminents à prendre concernant la sanctuarisation ou l’exploitation de ces zones. Pour prendre des décisions éclairées, il va falloir mener rapidement des campagnes d’exploration. C’est dans ce sens que la France a refusé de signer un moratoire sur l’exploration des grands fonds marins. La crédibilité des décisions va dépendre de la crédibilité des arguments avancés pour défendre les choix.
Or ces arguments doivent se baser sur des résultats scientifiques issus d’observations, de mesures, d’analyses, de modélisations, etc…, des outils habituels des experts en étude d’impact. Habituels mais appliqués à des milieux tellement méconnus qu’aucune étape d’acquisition de données ne doit être négligée. Il est primordial d’apprécier les niveaux d’impact à leur juste valeur, de ne pas les sous-estimer mais de ne pas non plus les surestimer. Il en va de l’applicabilité, par les industriels, des décisions qui seront prises par les autorités françaises, ainsi que de leur exemplarité internationale.
Fort de ce constat, la société ABYSSA, créée en 2019, a voulu développer un concept de véhicules sous-marins autonomes navigant en flotte coordonnée (lauréat du concours mondial de l’innovation). Cette innovation disruptive par grande profondeur permet des explorations extensives, non intrusives et à des coûts accessibles pour les petits états insulaires qui risquent d’être la cible d’exploitations peu scrupuleuses. Les pirates ont toujours existé en mer ! Or avec des outils d’aide à la décision, ces Etats fragiles pourront avoir des réponses fortes. De la même manière, les « miniers » attachés au respect de l’environnement marin pourront connaitre en détail les contraintes applicables à leurs projets. C’est avec cette vision conservatoire que les équipes d’ABYSSA proposent des prestations d’acquisition de connaissance de ces zones profondes convoitées et méconnues. Il est grand temps de connaitre pour agir !
COMET, mis en œuvre par la société Abyssa, est un « véhicule sous-marin autonome » léger conçu pour couvrir de vastes zones sous-marines avec une capacité d’imagerie sonar haute résolution. Grâce à son système de communication acoustique (expertise de la société RTsys) et le positionnement LBL (Long Baseline), ce drone est capable de naviguer jusqu’à 20 heures avec la position la plus précise du marché. Il peut emporter une large gamme de capteurs — Side Scan Sonar bi-fréquence 2D et bathymétrie 3D, caméra HD ou capteurs environnementaux (CTD, O², Chl, turbidité, hydrocarbures…) —, selon les missions à effectuer : scientifique, industrielle ou militaire.