La dynamique des « fonds bleus »

En 2022 se sont tenues une dizaine de conférences internationales entièrement ou partiellement consacrées à l’Océan(1), avec à la clé la promotion du financement durable, c’est à dire d’investissements destinés à réaliser l’ODD n°14 des Nations unies(2).  La Principauté de Monaco et de nombreux autres acteurs financiers dans le monde sont aujourd’hui mobilisés pour cet objectif. Présentation.

Porté par SAS le Prince Albert II, Monaco est très positionné dans l’univers de l’investissement dédié à la préservation des océans. Les deux premiers fonds monégasques destinés à favoriser l’action environnementale via l’investissement financier, avec un volet « protection des mers et des océans », ont été lancés au tout début des années 2000(3). Puis en mars 2022, la Principauté a fait le buzz avec l’annonce par Future Planet Capital, investisseur de capital-risque, de la clôture d’un nouvel investissement sous mandat(4) à hauteur de 20 millions d’euros.

Ce mandat que Barclays Private Bank a contribué à mettre en œuvre était associé à la Fondation Prince Albert II de Monaco et au gouvernement monégasque dans le cadre des éditions 2022 de la Monaco Blue Initiative et de la Monaco Ocean Week avec pour objectif la constitution d’un portefeuille de dix à quinze entreprises à croissance rapide et à fort impact pour s’attaquer de manière rentable à des problèmes importants au sein de l’économie bleue. Un peu plus tard dans l’année, le Fonds de Réserve Constitutionnel a également investi 10 millions d’euros dans le fonds de Ocean 14 Capital qui a levé un total d’environ 150 millions d’euros destinés à accroître ce portefeuille d’environ 20 à 25 projets dans les trois prochaines années.

Autres fonds bleus de la Principauté, le Global Fund for Coral Reefs (625 millions de dollars sur 10 ans) qui vise à soutenir des interventions durables en faveur des récifs coralliens et des communautés qui en dépendent. Mais aussi le Med Fund, fonds fiduciaire environnemental spécifiquement dédié au financement des Aires marines protégées (AMP) de la Méditerranée (6.8 millions d’euros de capitalisation en 2021, 5 millions d’euros déployés sur l’année 2022 au bénéfice d’AMP en Tunisie, Maroc, Algérie, Liban, Monténégro et Albanie).

Hors de Monaco, à quelques heures de la Principauté, le jeune fond philanthropique Pure Ocean, basé à Marseille, soutient des projets scientifiques innovants de recherche appliquée, destinés à mieux comprendre et protéger l’Océan partout dans le monde.

SWEN Capital Partners, gestionnaire d’actifs français dédiés à l’investissement durable sur les marchés privés, avec environ 6,7 milliards d’euros d’actifs sous gestion a, pour sa part, levé 150 millions d’euros en 2022 pour son fonds de capital-risque Blue Ocean lancé en septembre 2021, en partenariat avec l’Ifremer. L’équipe soutient des startups qui offrent à la fois un impact systémique et des rendements compétitifs sur le marché. Les priorités incluent des solutions à la surpêche, à la pollution des océans et au changement climatique.

Le fonds Althelia Sustainable Ocean Fund de Mirova, qui avait clôturé en 2020 avec 132 millions d’euros, poursuit ses allocations dans le secteur des produits de la mer, de l’économie circulaire et de la conservation des écosystèmes côtiers notamment à travers des solutions de dépollution plastique. A ce jour, il a investi dans une vingtaine de projets durables, tels que l’aquaculture offshore durable ou la réduction de la capture d’espèces non ciblées ou juvéniles (ces prises accessoires représentent 40% du poisson capturé dans le monde).

Citons également le néerlandais Aqua-Spark, communauté mondiale d’investisseurs (300 dans plus de 25 pays), qui soutient la croissance d’une nouvelle industrie aquacole durable et commerciale. 

Au Portugal, le fond de Indico Capital Partners, baptisé Indico Blue Fund, a lancé son fond climate Tech destiné aux startups et PME de l’économie bleue opérant à partir du Portugal. Indico, avec un objectif de 50 millions d’euros fin 2022, a déjà sécurisé 36 millions d’euros, dont plus de la moitié auprès de LPs(5) situés à l’extérieur du Portugal, notamment aux États-Unis. Autre fond de capital-risque portugais, le Faber Blue Pioneers a atteint en 2022 un total de 32 millions d’euros dédiés à la promotion de la durabilité des océans et à l’innovation en matière d’action climatique.

Katapult Ocean, basé en Norvège, qui a déjà lancé quatre « fonds océan », investit dans des entreprises hautement évolutives et à fort impact, dans le domaine de l’alimentation marine, du transport, de l’énergie, des actifs naturels et des infrastructures.

Outre Atlantique, Propeller VC a annoncé une levée de 100 millions de dollars pour un fond dédié aux leaders de l’innovation au stade le plus précoce, dans les marchés de l’ocean-climat tech, ciblant notamment l’élimination du carbone des océans, le conditionnement des algues, l’éolien offshore, le dessalement et la décarbonisation du transport maritime.

Le fond Océan de Circulate Capital « CCOF I-B », société d’investissements basée à Singapour, finance des opportunités à forte croissance au carrefour de la technologie climatique, du recyclage du plastique et de l’économie circulaire. Un troisième closing portant le total des engagements à 53 millions de dollars et un total d’actifs sous gestion de 165 millions de dollars, en a fait la plus grande entreprise d’investissement à impact dédiée à la lutte contre la pollution plastique et à la promotion de l’économie circulaire, en Asie du Sud et du Sud-Est.

La société de gestion française Eurazeo a annoncé, en septembre 2022, la création d’un fond dédié à la transition écologique du secteur maritime avec une levée prévue de 300 millions d’euros. Son fonds thématique Sustainable Maritime Infrastructure financera trois types d’infrastructures : des navires dotés de technologies de pointe plus respectueuses de l’environnement, des équipements portuaires innovants, et des actifs contribuant au développement des énergies renouvelables en mer. L’objectif est d’investir dans une cinquantaine de projets majoritairement issus de porteurs européens.

En 2022, l’équipe de la société de gestion Storm capital à monté un fond dédié à la transition des industries norvégiennes vers la neutralité carbone, spécifiquement dans trois secteurs : le transport maritime, l’aquaculture et l’énergie offshore.

Même si la liste semble longue, les océans restent toutefois sous-représentés dans le vaste univers des fonds durables. Le World Wildlife Fund évalue qu’ils ont une valeur économique de plus de 24 000 milliards de dollars et génèrent annuellement près de 2 500 milliards de dollars. Ils méritent donc encore beaucoup plus d’efforts de notre part à tous, et une mobilisation sans répit du secteur financier.


  1. One Ocean Summit à Brest (France) ; Monaco Blue Initiative ; Quatrième session de la conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine à New York (Etats-Unis) ; Conférence « Our Ocean » à Palau ; Conférence des Nations unies pour les océans à Lisbonne (Portugal) ; Semaine mondiale de l’eau à Stockholm (Suède) ; COP27 à Charm el-Cheikh (Egypte) ; O20, initiative du World Economic Forum à Bali (Indonésie) ; COP15 sur la biodiversité à Montréal (Canada).
  2. L’ODD 14 « Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable » est l’un des 17 Objectifs de développement durable (ODD) que s’est fixé l’ONU d’ici 2030 « pour assurer la paix et la prospérité pour les peuples et la planète. »
  3. Le premier en 2003 (CFM Indosuez Monaco Environnement Développement Durable) et le second en 2006 avec la banque CMB Monaco Eco+.
  4. Contrat de gestion et de décision de stratégie d’investissement cédé à un gestionnaire externe.
  5. LP : Limited partners, investisseurs en capital dans un fond.
Joana BERREBI
Joana BERREBIhttps://www.wealthmonaco.com/
Consultante économie bleue & finance durable à Monaco, éditrice du magazine Wealth Monaco.

Voir les autres articles de la catégorie

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.

5 MOIS EN ANTARCTIQUE