Depuis plus de 50 ans, la Bretagne est confrontée à l’échouage d’algues vertes sur une partie de son littoral. La forte concentration de nitrates dans les cours d’eau, principalement d’origine agricole, en est la cause majeure selon les scientifiques.
À partir de 2010, les acteurs publics (État, collectivités territoriales, agence de l’eau) ont mis en œuvre deux plans pour lutter contre ce phénomène. Leur impact sur les concentrations en nitrates, sur les changements de pratiques agricoles et sur le niveau des échouages est resté limité ; la Cour des comptes et la chambre régionale des comptes de Bretagne soulignent le manque d’incitations financières adaptées pour faire évoluer les exploitations agricoles ainsi que les insuffisances de la réglementation et de la politique de contrôle.
La réduction significative de ce phénomène ne pourra intervenir que par un élargissement et un renforcement des actions en faveur d’une agriculture à faibles fuites de nitrates.
Un phénomène scientifiquement expliqué
La prolifération des algues vertes en Bretagne sur le littoral est la conséquence d’apports excessifs de nutriments (azote et phosphore) en provenance des fleuves côtiers, conjugués à une morphologie spécifique des baies concernées. Les travaux scientifiques montrent que seule une action sur l’azote – à plus de 90 % d’origine agricole – peut permettre de limiter ce phénomène.
L’analyse des données de 2007 à 2020 fait apparaître une légère tendance à la baisse des échouages d’algues vertes sur les sites sableux et à la hausse sur une partie des vasières, en particulier dans le Golfe du Morbihan.
Des plans d’action aux objectifs mal définis et aux effets incertains sur la qualité des eaux
Dix ans après le lancement des plans d’action et en l’absence d’objectifs clairs, il est difficile de mesurer leur impact spécifique. On observe que la dynamique de mobilisation des agriculteurs s’est essoufflée dans la plupart des bassins versants. Ainsi, la pression d’azote épandu stagne depuis 2015. Les actions de diffusion des bonnes pratiques culturales et de changements de système (développement des herbages ou de l’agriculture biologique) ont produit peu de résultats tangibles.
Une mobilisation des territoires, sans soutiens publics suffisants
Le choix initial d’un plan décliné et porté au plus près des territoires a permis de faire émerger des expérimentations et des démarches innovantes. Toutefois, le montant global des plans d’action, estimé à 109 M€ de 2011 à 2019, reste très modeste au regard des aides du 1er pilier de la politique agricole commune (PAC) en Bretagne (entre 435 et 614 M€ par an sur les six dernières années). Les filières agroalimentaires ne se sont pas impliquées dans la prévention des fuites d’azote ; elles ont même bénéficié de soutiens publics sans contreparties en termes de prévention de ces fuites.
Cinq leviers identifiés pour renforcer et étendre l’action engagée
La Cour et la Chambre régionale des comptes de Bretagne relèvent la nécessité d’amplifier rapidement l’action engagée et retiennent cinq orientations :
- Étendre la lutte contre la prolifération des algues vertes au-delà des huit baies
bretonnes actuellement concernées par les plans de lutte en s’appuyant sur les contrats territoriaux pour la mise en œuvre des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) ; - Définir des objectifs évaluables et en suivre la réalisation à l’échelle des bassins
versants ; - Dans le cadre de la prochaine programmation de la politique agricole commune,
redéfinir les leviers incitatifs au changement des pratiques et des systèmes agricoles ; - Mobiliser les leviers du foncier agricole et des filières agroalimentaires ;
- Adapter et faire respecter la règlementation en renforçant les contrôles.