Le Varyag, aujourd’hui devenu Liaoning, était le sistership de l’Amiral Kouznetsov (67 500 tonnes, 310 mètres de long, 70 mètres de large), toujours en service dans la marine russe. Commandé par la marine soviétique aux chantiers navals Nikolaïev en Ukraine, sa construction avait été interrompue en 1993 alors qu’il n’était achevé qu’à 70%. L’Ukraine qui souhaitait s’en séparer prit alors contact avec l’Inde et la Chine. Une délégation chinoise se rendit rapidement en Ukraine pour finaliser la transaction, mais celle-ci échoua, suite aux pressions exercées par les Etats-Unis et par le Japon.
En 1998, l’Ukraine lança un appel d’offre pour sa déconstruction mais c’est… d’une agence de tourisme qu’elle reçut une bien étrange proposition. Lot Chong, agence chinoise de Macao, proposait d’acheter le navire pour 20 millions de dollars, trois fois le prix de la ferraille. Son projet : le transformer en… casino flottant. Il s’agissait en réalité d’un subterfuge. La Lot Chong Agency qui n’a, alors, pas de bureaux à Macao est une façade de la société de Hong Kong, Chinluck Holding Co. Ltd., derrière laquelle se cachent les services secrets chinois de l’Armée Populaire de Libération (APL). Le subterfuge semble devoir fonctionner au nez et à la barbe de tout le monde. En juillet 1999, le bâtiment est prêt à être pris en remorque, destination la Chine.
Mais les difficultés ne font que commencer pour le futur Liaoning. Les autorités turques (sur pression de l’OTAN ?) s’opposent à son passage dans le Bosphore y voyant officiellement une menace pour la navigation en cas de fausse manœuvre. Durant 16 mois, Pékin négocie avec Ankara ce droit de passage. Ce n’est que le 1er novembre 2001, que l’ex-Varyag est finalement autorisé à franchir le Bosphore contre le paiement d’une forte somme versée à la Turquie.
Quelques jours plus tard, le convoi est pris dans une violente tempête en mer Egée, devant l’île grecque de Skyros. La remorque casse. Le bâtiment part à la dérive. Il faudra six jours pour le reprendre au prix de la vie d’un marin. En Méditerranée, le convoi se voit interdire le passage par le canal de Suez, le navire remorqué n’ayant pas d’appareil propulsif. Commence alors un long périple via Gibraltar et…le cap de Bonne espérance. Le convoi contourne l’Afrique pour rejoindre l’océan Indien. Le 3 mars 2001, il arrive enfin dans le port chinois de Dalian, après quatre mois de navigation !
L’imposante coque rouillée va rester à quai pendant quatre ans, période probablement nécessaire pour arrêter des méthodes de reverse engineering (rétro ingénierie), qui consistent à procéder à une étude complète du navire pour en identifier et en comprendre le fonctionnement et les méthodes de fabrication. Le bâtiment est finalement confié, en avril 2005, aux chantiers navals de Dalian où va commencer sa reconstruction, sous le nom provisoire de Shi Lang.
Début 2010, après un passage en cale sèche, le Shi Lang rejoint un quai d’armement où le bâtiment reçoit notamment ses systèmes de combat, son armement, ses équipements de navigation et de détection. Il est rebaptisé Liaoning, du nom de la province où se trouve Dalian.
Dix-sept ans après la première tentative d’achat par la Chine ! Il constitue aujourd’hui le fleuron de la marine de guerre chinoise… en attendant les autres.