Fédérations, Clusters, Entreprises, Instituts de recherche, ONG… Tout le monde ! Il faut résister, sonner la mobilisation générale, se dresser sans peur contre les boutefeux de la planète, contre ces États qui par brutalité, intimidation, menace, chantage, cherchent à imposer positions extrêmes et rapports de force comme seul moyen de négociation. Avec le risque totalement irresponsable, dans le domaine maritime en particulier, de fragiliser, voire de détruire, les institutions et négociations multilatérales. Comme si compromis signifiait nécessairement faiblesse, comme si chercher des solutions de développement durable (économie ET durabilité) n’était pas la seule voie laissée pour l’avenir de l’humanité.
L’année 2025 a vu se dérouler, par surprise et sans réaction à la hauteur de la menace, les attaques les plus inouïes contre les efforts menés depuis des décennies pour renforcer l’approche multilatérale et universelle des problématiques maritimes. Voulues par les Etats-Unis du Président Trump, ces attaques sont inacceptables et préoccupantes.
La première fut le décret scélérat d’avril ouvrant la porte à l’extraction des minéraux des grands fonds marins dans la ZEE américaine mais aussi dans la « Zone internationale ». Et ce au mépris des règles de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), destinées à concilier éventuelle exploitation et protection de l’Océan. Des règles respectées par les 170 pays (y compris la Chine et la Russie !) membres de cette Organisation.
La deuxième attaque fut l’action menée, sous leadership américain (avec l’Iran, la Russie et l’Arabie Saoudite !) pour torpiller les négociations « de la dernière chance » sur le « Traité Plastique » d’août 2025, alors que l’Océan qui nous permet de respirer et de vivre est déjà plastifié, empoisonné, acidifié, malade.
La troisième est l’échec, contre toute attente, en octobre dernier, du Comité de la protection du milieu marin de l’Organisation maritime internationale (OMI) qui devait baliser la décarbonation du transport maritime, mais qui a vu sa majorité renversée sous d’incroyables pressions allant jusqu’à l’annonce de mesures de rétorsion contre ceux qui appliqueraient l’amendement Cadre Net-Zéro de l’annexe VI de Marpol, ce qui est un véritable scandale.
LE MÉPRIS DU DROIT INTERNATIONAL
L’angoissant est qu’il s’agit, au-delà de l’entreprise de destruction de la méthode multilatérale pourtant soutenue même par la Chine pour tout ce qui touche à l’Océan, d’une tentative à peine camouflée de négation du Droit International lui-même, certes imparfait, pas toujours respecté, mais sans lequel le chaos mondial est assuré ! En fait, par le décret « exploitation sous-marine » comme par l’instrumentalisation de l’OMI, les Américains minent tranquillement la force de toute convention internationale. Jusque-là en effet les USA ne ratifiaient aucun Traité, mais respectaient scrupuleusement toutes les conventions dès lors qu’elles étaient entrées en vigueur mondialement.
Le pire est que, sauf peut-être dans le silence assourdissant des chancelleries, l’absence de révolte, la crainte d’entrer en résistance, nous rendent complices des apprentis-sorciers qui nous bafouent, ignorent les évidences (le réchauffement climatique, l’utilité d’une concurrence loyale) en misant sur les émotions et non sur les faits.
Nous savons, comme l’écrit Matthieu de Tugny (lire page 58), que « nous n’avons pas d’autre cadre conventionnel que celui de l’OMI pour assurer une approche globale acceptée de tous les acteurs maritimes, que ce soit en coordination ou en harmonisation ». Nous savons que, pour éviter que la situation dégénère à tout instant (par exemple si d’autres pays puissants décident eux-aussi, subitement, de s’affranchir des règles), « le maritime » est à l’avant-garde du combat.
Nous savons que les règles universelles sont nécessaires tant pour la protection des mers (un seul Océan couvrant l’essentiel du globe !) que pour l’exercice des activités maritimes (où les distorsions de concurrence conduisent inévitablement à baisser la garde de la qualité). C’est sur ce socle que tous les responsables maritimes – professionnels et ONG – doivent remplir leur devoir de vigilance, d’alerte, et de moteur de la résistance.
Refuser clairement, au risque de l’affrontement, la soumission aux Etats-Unis, pour sauver l’universalité des mesures et le multilatéralisme (qui seul avait permis de gagner contre le rétrécissement de la couche d’ozone !) n’a rien de vulgairement politique. Je pense donc légitime d’appeler solennellement les Clusters, Fédérations, ONG de la communauté maritime française à s’organiser pour peser de tout leur poids, nationalement et internationalement, et à pousser les gouvernants du monde à avoir le courage de réagir sans tarder.
Nos mers, nous-mêmes, les professionnels de qualité, les responsables environnementaux, et in fine, l’humanité, nous n’avons plus le choix !
Francis VALLAT de l’Académie de Marine




