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Entretien avec Bruno Mence, Président du Directoire du Grand Port Maritime de la Martinique

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« Le hub Antilles va contribuer à renforcer la compétitivité du Grand port maritime de la Martinique à l’échelle régionale et internationale. »

La mise en œuvre du hub Antilles porté par CMA CGM booste le dynamisme des deux grands ports français des Caraïbes, à la Martinique et à la Guadeloupe. Bruno Mence fait un point pour Marine & Océans sur son impact concernant le Grand port maritime de la Martinique qu’il préside.

Propos recueillis par Erwan Sterenn

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« Le trafic global du port pourrait être porté à 250 000 voire 300 000 EVP. » Bruno Mence. Crédit : Christophe MASTELLI.

Le projet de Hub Antilles initié par le groupe CMA CGM est entré dans sa phase active de mise en œuvre. Quel est son agenda pour votre port ? Comment travaillez-vous, par ailleurs, avec CMA CGM ?

Le projet Hub Antilles est en cours de mise en œuvre au Grand Port Maritime de la Martinique (GPMLM) et constitue une étape majeure dans la modernisation du terminal à conteneurs de la Pointe des Grives. Il est important de souligner que ce projet fait partie intégrante de la stratégie de développement du port depuis plus de cinq ans. Il répond d’abord aux nouvelles exigences du transport maritime et offre aux industriels martiniquais une meilleure dynamique dans les échanges commerciaux et des opportunités de transformation locale des produits importés. L’implication de l’armateur CMA CGM a toutefois été un catalyseur, accélérant la mise en œuvre des investissements nécessaires pour renforcer la compétitivité du port à l’échelle régionale et internationale. Pour résumer, le Hub Antilles est un projet structurant, doté d’un budget de 122 millions d’euros, visant à moderniser le port et à renforcer son rôle de plateforme logistique pour l’Europe et la Caraïbe. Le calendrier structuré du projet comprend plusieurs phases clés :

  • L’Extension du terminal à conteneurs : les travaux démarreront au 2e semestre 2025 pour 24 mois. Ils comprennent le renforcement du sol, la création de 2,4 hectares de terre-plein supplémentaire, ainsi que l’extension du quai principal, qui passera de 450 à 600 mètres pour accueillir des navires de plus grande capacité ;
  • L’aménagement des infrastructures existantes : plusieurs améliorations seront réalisées pour optimiser le fonctionnement du terminal, notamment la création d’une zone logistique (Décembre 2024 à Octobre 2025), l’installation d’un scanner mobile pour renforcer le contrôle des conteneurs, ainsi que l’aménagement des voiries et réseaux pour repositionner les Gates (portes d’entrées/sorties des transporteurs) et réorganiser les plateformes. Ces opérations débuteront au 2ème semestre 2025 et se prolongeront jusqu’au 1er semestre 2026.
  • La construction du Poste de contrôle aux frontières (PCF) : ce projet, mené en concertation avec la DAAF, débutera au premier trimestre 2026, une fois le repositionnement des Gates achevé. Conçu sous la forme d’une structure légère et modulaire, il permettra une meilleure adaptation aux contraintes du site.
  • L’acquisition et la réhausse des portiques : deux nouveaux portiques seront mis en service en juillet et septembre 2025, tandis que deux portiques existants seront réhaussés entre janvier et décembre 2025. L’ensemble de ces équipements sera opérationnel en 2025 pour accompagner l’arrivée des nouveaux navires de CMA CGM. Les adaptations d’outillage se déclinent en trois volets : acquisition de deux portiques modernes ; alimentation électrique des nouveaux équipements ; réhausse (« jumboïsation« ) de deux portiques existants pour améliorer leur capacité opérationnelle.
  • La mise en place du Smartgrid : ce programme, vise à optimiser la gestion énergétique du terminal. Il comprend l’installation de panneaux photovoltaïques, permettant de réduire de 50 % la consommation d’énergie fossile. La mise en service du Smartgrid est prévue pour septembre 2025 (débuté dernier trimestre 2024), avec une phase d’exploitation de 36 mois.

Le projet fait l’objet d’un pilotage structuré, avec des comités de suivi mensuels réunissant la direction de CMA CGM et du GPMLM pour assurer le bon déroulement des opérations. Par ailleurs, les équipes techniques collaborent régulièrement à travers des réunions dédiées, adaptées aux besoins spécifiques du projet. En complément, un reporting ponctuel est réalisé auprès des autres parties prenantes, garantissant une coordination efficace et une vision partagée de l’avancement des travaux.

Comment s’articulent les principaux investissements et pour quels montants ?

Les investissements majeurs du projet Hub Antilles et de la transition vers un terminal bas carbone s’articulent autour des axes suivants :

  • l’extension du terminal de la Pointe des Grives pour 70 millions d’euros ;
  • l’acquisition de deux nouveaux portiques et l’adaptation des outillages existants pour 36 millions d’euros ;
  • l’aménagement du terminal existant (zone logistique, contrôle douanier et sanitaire, vidéosurveillance, sûreté) pour 16 millions d’euros.

Dans le cadre de la transition énergétique, le port investit également dans un terminal bas carbone avec la mise en place du Smartgrid et d’infrastructures énergétiques durables : le projet d’un montant de 11 millions d’euros est soutenu par l’’État à travers le Plan de relance, la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) via les fonds FEDER et le GPMLM via ses fonds propres.

Quels résultats en attendez-vous en matière de trafic et avec quel impact pour votre port sur le plan régional ?

Le projet permettra d’augmenter significativement la capacité du terminal en modernisant ses infrastructures pour répondre aux nouveaux standards du transport maritime. Il offrira la possibilité d’accueillir des navires avec un tirant d’eau de 14,5 mètres, facilitant ainsi les escales de porte-conteneurs de plus grande capacité. Le nombre de portiques sera également accru afin de fluidifier et d’accélérer les opérations de manutention, tandis que l’optimisation des flux logistiques passera par un réaménagement des accès et l’installation d’un nouveau centre de contrôle douanier et sanitaire, garantissant une gestion plus efficace des marchandises.

L’intensification du trafic de transbordement constituera un levier de croissance, avec une progression attendue de 20 000 EVP actuellement à 155 000 EVP. Cette évolution portera le trafic global du port à 250 000 EVP environ, avec un potentiel de développement pouvant atteindre 300 000 EVP.

Grâce à ces transformations, le port de la Martinique verra son rôle se renforcer au sein de la Caraïbe, consolidant ainsi son positionnement en tant que hub régional et plateforme essentielle pour les échanges commerciaux.

Comment ce projet est-il accueilli localement et quels différents effets en attendez-vous ?

Le projet est plutôt bien accueilli par les acteurs économiques et les autorités locales, car il représente une opportunité de modernisation et un levier d’augmentation de la compétitivité du port. Toutefois, certains enjeux logistiques et environnementaux suscitent des interrogations. Les entreprises du terminal expriment des préoccupations concernant les impacts des travaux, notamment en termes de nuisances sonores, de poussière et de réduction des places de parking. Afin d’anticiper et de limiter ces effets, des concertations régulières sont menées avec les manutentionnaires, CMA CGM et les autres parties prenantes.

À terme, ce projet devrait permettre d’améliorer significativement la fluidité et la sécurité des opérations portuaires grâce à une organisation optimisée des flux et des infrastructures modernisées. Il contribuera également à dynamiser l’économie locale en renforçant la connectivité maritime et en générant une augmentation des effectifs, notamment dans les secteurs de la manutention, de la logistique et des services portuaires. Enfin, il s’inscrit pleinement dans une démarche de développement durable, avec des infrastructures plus respectueuses de l’environnement et une réduction de l’empreinte carbone des opérations, renforçant ainsi l’attractivité du port.

« Le Hub Antilles contribuera à la consolidation de la souveraineté logistique et maritime du territoire et plus largement de la France dans la région. » Bruno Mence. Crédit : Henri SALOMON.

Le projet s’inscrit dans une démarche de transition écologique avec l’opération par CMA CGM de nouveaux porte-conteneurs fonctionnant au biogaz réduisant fortement les émissions de CO. Votre port est-il déjà très engagé dans cette démarche de décarbonation et quels peuvent-être, dans ce domaine, l’impact de ce projet ?

Le Grand Port Maritime de la Martinique (GPMLM) est pleinement engagé dans une démarche de transition écologique, qui constitue un axe stratégique majeur depuis 2020. Dans cette optique, plusieurs initiatives ont été mises en place ou sont en cours de déploiement afin de réduire l’empreinte carbone des activités portuaires.

La modernisation de l’éclairage, avec l’installation de LED sur le terminal à conteneurs, a déjà permis de diminuer la consommation d’électricité de 200 MWh. Parallèlement, le déploiement du Smartgrid et la production d’énergie renouvelable se poursuivent avec l’installation de panneaux solaires en ombrières de parking et sur les toitures du terminal. Cette infrastructure produira 2 GWh d’électricité par an, couvrant ainsi près de 50 % de la consommation actuelle du terminal.

Le port travaille également sur l’électrification des quais afin de limiter les émissions des navires à l’arrêt. Des études sont en cours pour la mise en place de connexions électriques à quai, une avancée qui contribuera à réduire l’empreinte carbone du trafic maritime. En parallèle, le GPMLM renforce ses actions en matière de surveillance et de préservation de l’environnement. Un partenariat avec Madininair permet de suivre en continu la qualité de l’air sur le port. De plus, des mesures spécifiques ont été mises en œuvre pour protéger les coraux et les cétacés dans le cadre des travaux d’extension du terminal.

L’intégration du Hub Antilles vient renforcer cette dynamique environnementale. Ce projet prévoit notamment l’arrivée de nouveaux navires CMA CGM fonctionnant effectivement au biogaz, qui permettront une réduction significative des émissions de CO2 du transport maritime. Il s’accompagne également d’une modernisation des équipements du terminal, avec une réduction significative de la consommation d’énergie fossile. L’amélioration de la gestion logistique, grâce à l’intégration d’outils numériques et de solutions d’intelligence artificielle, contribuera à optimiser l’exploitation du port, la rendant plus performante et moins énergivore.

À travers ces initiatives, le GPMLM affirme son engagement en faveur d’un développement durable et d’une transition énergétique ambitieuse, positionnant ainsi le port comme un modèle écologique et compétitif dans la région Caraïbe.

CMA CGM a mis l’Intelligence artificielle au cœur de son activité. Celle-ci est-elle également un aspect fort de ce projet ?

CMA CGM prévoit de développer son logiciel de supervision des cavaliers en intégrant l’intelligence artificielle afin d’optimiser le pilotage et la gestion de ces équipements, améliorant ainsi la performance des opérations de manutention horizontale. Bien que l’IA ne soit pas encore un axe central du projet Hub Antilles, certains volets pourraient en bénéficier pour renforcer l’efficacité et la sécurité des opérations portuaires.

L’optimisation des flux de marchandises pourrait être améliorée grâce à une gestion plus performante des données logistiques, facilitant ainsi la fluidité des échanges. L’IA pourrait également être utilisée pour renforcer la sécurité du port à travers des systèmes avancés de vidéosurveillance et de contrôle des accès. Par ailleurs, la maintenance des infrastructures et des équipements intégrant l’IA permettrait d’anticiper les défaillances et d’améliorer l’efficacité en réduisant les interruptions d’activité.

À terme, il est probable que des solutions basées sur l’IA soient également mises en place pour optimiser la gestion énergétique et renforcer la sûreté du terminal, contribuant ainsi à une automatisation et à une meilleure résilience des infrastructures portuaires.

Quelles mesures prévoit le projet pour éviter qu’il ne favorise le narcotrafic extrêmement actif aux Antilles ?

Le projet intègre un renforcement des dispositifs de sûreté afin de lutter contre le narcotrafic. L’État prévoit l’installation d’un scanner sur le terminal de la Pointe des Grives, renforçant ainsi les capacités de détection et d’inspection des flux de marchandises, tandis que la digitalisation des procédures de contrôle d’accès garantira une meilleure surveillance des entrées et sorties du terminal.

Un nouveau Poste de contrôle aux frontières (PCF), conforme aux normes européennes, viendra compléter ces mesures en offrant des capacités de contrôle renforcées.

Par ailleurs, la sécurisation du terminal sera optimisée grâce à un renforcement des clôtures et de la vidéosurveillance, garantissant une meilleure surveillance des infrastructures.

La certification Opérateur Économique Agréé (OEA) viendra également attester du haut niveau de sûreté mis en place pour la gestion des flux de marchandises.

L’ensemble de ces actions vise à tracer plus efficacement les opérations portuaires et à réduire considérablement les risques liés au trafic illicite.

Ce projet s’inscrit-il, selon vous, dans les enjeux de souveraineté de la France défendus par le « rapport Chenevard » sur la Flotte stratégique ?

Le Hub Antilles s’inscrit directement dans ces orientations en modernisant les infrastructures du GPMLM, en renforçant la sûreté portuaire, en intégrant des solutions pour la décarbonation et en augmentant la capacité de transbordement du port. Son développement contribue ainsi à la consolidation de la souveraineté logistique et maritime du territoire et plus largement de la France dans la région Caraïbe, en ligne avec les recommandations du « rapport Chenevard ».

Ce projet vise à garantir une plus grande résilience des chaînes d’approvisionnement en consolidant le rôle du port comme plateforme logistique dans la Caraïbe. L’augmentation des capacités de transbordement, couplée à l’accueil de navires de plus grande taille et à une modernisation des outils de manutention, permet d’assurer un meilleur contrôle des flux de marchandises et d’accroître l’autonomie opérationnelle du territoire.

En intégrant des infrastructures adaptées aux standards internationaux et en renforçant la sûreté des opérations portuaires, le GPMLM se positionne comme un acteur du rayonnement maritime français dans la région. Cette montée en puissance du port, associée aux nouvelles exigences environnementales et sécuritaires, assurent la compétitivité du GPMLM face aux enjeux du commerce maritime.

 

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