GTT, leader mondial dans les systèmes de confinement pour le transport et le stockage du gaz naturel liquéfié, continue d’investir massivement dans l’hydrogène appelé à jouer un rôle clé dans la décarbonation notamment du transport maritime. Explications.
Par Jean-Baptiste Boutillier, Directeur de la Transformation Groupe, GTT
Le marché de l’hydrogène est en pleine mutation. Face à l’urgence climatique et aux réglementations de plus en plus strictes sur les émissions de CO2, l’hydrogène s’impose comme un levier clé de la transition énergétique, y compris pour l’industrie maritime. Entre production, transport et stockage, l’hydrogène et ses dérivés, comme l’ammoniac, suscitent un intérêt grandissant. Mais quelles sont les perspectives réelles et les défis à surmonter pour son adoption à grande échelle ?
Les prévisions pour le marché de l’hydrogène, tant en termes de production que de consommation, sont impressionnantes et laissent entrevoir une transformation profonde de notre paysage énergétique. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA), dans son scénario NETZERO, la production d’hydrogène pourrait atteindre 430 millions de tonnes (Mt) d’ici 2050, contre moins de 100 Mt actuellement. Cette progression spectaculaire reflète l’ambition mondiale d’accélérer la décarbonation de l’économie et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. De son côté, l’Union européenne prévoit une consommation annuelle de 20 Mt d’hydrogène d’ici 2040, avec une répartition égale entre production locale et importations, pour renforcer son indépendance énergétique tout en soutenant la transition vers une économie plus verte.
L‘Hydrogen Council, coalition mondiale regroupant des leaders du secteur, anticipe également une augmentation significative de la production d’hydrogène. Dans son rapport de 2024, l’organisation prévoit une production de 48 MTPA d’ici 2030 (contre 6,7 MTPA dans son rapport de 2021). Toutefois, des défis majeurs persistent : les capacités actuelles de production et les investissements nécessaires pour soutenir cette croissance rapide restent insuffisants. Les estimations révisées situent la production réelle autour de 12 à 18 MTPA en 2030, mettant en lumière la nécessité d’accélération des investissements et des innovations technologiques.
Surmonter la « vallée de la mort » de l’hydrogène
Malgré l’enthousiasme croissant autour de l’hydrogène, son développement à grande échelle fait face à un obstacle majeur : la phase de transition où les investissements initiaux sont élevés et les retours sur investissement incertains. Souvent qualifiée de “vallée de la mort”, cette période critique où les technologies sont techniquement prêtes mais peinent à atteindre une rentabilité économique, représente un véritable défi pour les investisseurs et les industriels. En dépit de ce contexte, GTT reste convaincu du fort potentiel du marché de l’hydrogène vert, notamment pour le secteur maritime.
L’hydrogène vert, produit à partir d’énergies renouvelables ou bas-carbone, est appelé à remplacer l’hydrogène gris, actuellement produit majoritairement à partir de méthane via le procédé de vapo-réformage. Ce procédé émet environ 9 tonnes de CO2 pour chaque tonne d’hydrogène produite, contribuant ainsi aux émissions globales de gaz à effet de serre.
Le remplacement de l’hydrogène gris par de l’hydrogène vert est une opportunité majeure pour réduire les émissions de CO2 de la production d’hydrogène, qui représentent actuellement 3% des émissions mondiales. Pour mettre cela en perspective, ces émissions sont équivalentes à celles de l’ensemble du secteur maritime, qui permet le transport de 90% des marchandises échangées dans le monde. La transition vers l’hydrogène vert marquera donc le début d’une transformation profonde de notre économie. GTT continue d’investir dans la recherche et le développement des électrolyseurs, nécessaires à la production d’hydrogène vert à partir d’eau et d’électricité renouvelable. Le Groupe explore également des solutions innovantes pour le transport et le stockage de l’hydrogène, deux défis majeurs pour la généralisation de cette énergie propre. Le transport de l’hydrogène, en particulier, nécessite des infrastructures spécialisées en raison de ses propriétés physiques uniques.
L’ammoniac, une alternative stratégique pour le transport de l’hydrogène
L’ammoniac, avec sa température de liquéfaction de -33°C, émerge comme un vecteur prometteur pour le transport de l’hydrogène, malgré sa toxicité. Aujourd’hui, environ 18 à 20 millions de tonnes d’ammoniac sont transportées chaque année par navire, représentant environ 15% de la production mondiale. GTT développe des technologies pour le stockage et le transport de grandes quantités d’ammoniac, avec des réservoirs terrestres pouvant atteindre 125 000 m³ et des navires capables de transporter environ 150 000 m³. Ces innovations permettront de surmonter les défis logistiques liés au transport de l’ammoniac, tout en garantissant la sécurité et l’efficacité des opérations.
Les premières applications de l’ammoniac vert pourraient inclure la co-combustion dans les centrales à charbon pour réduire les émissions de CO2, où il peut remplacer entre 20 et 50% du charbon utilisé, réduisant ainsi les émissions de CO2 sans modifications majeures des infrastructures existantes. Par ailleurs, l’ammoniac peut être retransformé en hydrogène via un procédé de craquage visant à séparer l’azote et l’hydrogène. Plusieurs technologies de craquage sont encore en développement, à des niveaux de maturité technologique (TRL) assez bas. De plus, ces procédés nécessitent une quantité d’énergie non négligeable, ce qui diminue le rendement global de l’opération.
Vers une solution durable : l’hydrogène liquide
Dans une perspective à plus long terme, l’industrie pourrait privilégier le transport de l’hydrogène sous forme liquide plutôt que sous forme d’ammoniac, sauf si l’usage final est directement lié à l’ammoniac, comme dans le cas de la co-combustion. Toutefois, le transport de l’hydrogène liquide présente des défis technologiques considérables : il doit être confiné à très basse température, seulement 20°C au-dessus du zéro absolu et sa molécule extrêmement petite, la plus petite de l’univers, impose des exigences strictes en matière d’étanchéité des cuves et des soudures, ainsi que des matériaux devant se montrer résistants et compatibles chimiquement.
GTT investit massivement, et sur le long terme, pour développer des solutions de stockage et de transport de l’hydrogène liquide, convaincue que ces innovations seront essentielles pour la généralisation de l’hydrogène vert. Les défis technologiques sont nombreux, mais les perspectives sont prometteuses. La réussite de cette transition énergétique dépendra également d’investissements significatifs dans les capacités de production d’électricité verte, dans la production d’hydrogène vert via l’électrolyse, et dans les capacités de liquéfaction de l’hydrogène. Ces investissements sont cruciaux pour définir une date de sortie de cette « vallée de la mort » de l’hydrogène et pour accélérer la transition vers une économie plus verte.
Une transition énergétique de long terme
L’histoire nous enseigne que les transitions énergétiques prennent du temps. Le remplacement du charbon par le pétrole a pris plus de 50 ans. Il n’est donc pas surprenant que les débuts de la chaîne énergétique de l’hydrogène soient plus lents que prévu initialement. Cette transition nécessite des investissements massifs, des innovations technologiques de rupture et une volonté politique affirmée. Consciente de ces enjeux, GTT continue d’investir dans les technologies de stockage et de transport de l’hydrogène et de ses dérivés, déterminée à relever les défis actuels pour un avenir plus vert.
Bien que la route soit semée d’embûches, l’hydrogène vert représente une opportunité majeure pour décarboner notre économie. La recherche et le développement, soutenus par des innovations technologiques audacieuses, seront les catalyseurs essentiels de cette transition énergétique. GTT est convaincue que l’hydrogène vert jouera un rôle crucial dans la réduction des émissions de CO2 et dans la création d’une économie plus durable. L’avenir de l’hydrogène est prometteur, mais sa réussite dépendra d’une collaboration étroite entre industriels, gouvernements et chercheurs, en vue de surmonter les obstacles et accélérer l’avènement d’un futur énergétique propre, compétitif et pérenne.