Energy Observer, le « Solar Impulse des mers », dévoilé au public avant un tour du monde de 6 ans

Sous la tente du chantier naval de Saint-Malo, qui abrite le multicoque, encore en attente de ses panneaux solaires, de ses éoliennes et de sa « chaîne de production » d’hydrogène, Victorien Erussard, l’un des deux porteurs de ce projet resté jusqu’ici confidentiel, en raconte les innombrables ficelles.

« Nous allons être le tout premier navire doté d’une chaîne de production d’hydrogène autonome », explique tout sourire cet officier de marine marchande et coureur au large de 37 ans.

« Nous alimenterons nos batteries avec l’énergie solaire et éolienne si le temps le permet, et ces batteries alimenteront ensuite nos moteurs électriques », explique-t-il.

« S’il n’y a pas de vent, de soleil, ou la nuit, c’est l’hydrogène stocké et fabriqué par électrolyse de l’eau, grâce aux panneaux solaires et aux deux éoliennes, qui prendra le relais », ajoute le capitaine.

Le catamaran, une ancienne bête de course qui a remporté le trophée Jules Verne en 1994, a été racheté 500.000 euros et rallongé de six mètres, à 30,5 mètres, pour les besoins du projet, parrainé par Nicolas Hulot.

Autre élément innovant : une voile de traction de 50m2 permettra, grâce aux deux moteurs électriques « réversibles », de produire de l’électricité par hydrogénération.

Mais l’exploit d’Energy Observer réside d’abord dans la production et le stockage in situ d’hydrogène, fabriqué à partir d’énergies renouvelables et non d’énergies fossiles, comme c’est le cas aujourd’hui à 96%.

« L’hydrogène n’est pas un carburant mais une manière de stocker l’énergie », précise Jérôme Delafosse, 45 ans, le second porteur du projet. « Au lieu d’avoir des batteries, nous remplissons des bouteilles d’hydrogène à haute pression et cet hydrogène pourra alimenter nos piles à combustible et produire de l’électricité », explique ce réalisateur de documentaires, également écrivain et scaphandrier professionnel.

– Un tour du monde de 6 ans –

Conçu en partenariat avec une équipe d’architectes navals et le CEA-Liten de Grenoble, dédié aux technologies des énergies nouvelles, ce petit bijou de technologies vertes, qui a coûté 4,2 millions d’euros, sera testé en temps réel lors d’une expédition autour du monde prévue à partir de février 2017.

Alors qu’une dizaine d’ouvriers s’activent sur le chantier malouin pour gommer les aspérités de sa coque, Energy Observer sera, à terme, « truffé de capteurs », véritable laboratoire ambulant pour le CEA-Liten.

Pour la directrice de cette institution, Florence Lambert, il s’agit d’un « super challenge ». « Energy Observer est emblématique de ce que seront les réseaux énergétiques de demain, avec des solutions qui pourront même être déployées d’ici cinq ans », souligne-t-elle. « Il s’inscrit dans une nouvelle logique de stockage d’énergie. A titre d’exemple, les maisons de demain pourront intégrer un stockage d’hydrogène produit l’été et réutilisé l’hiver », ajoute-t-elle.

Et comme le souligne le chef de projet au CEA-Liten, Didier Bouix, l’hydrogène « permet de stocker, à masse équivalente, 20 fois plus d’énergie » que les batteries, qui restent toutefois complémentaires.

Le tour du monde d’Energy Observer, qui doit permettre d’éprouver les technologies embarquées, est prévu pour durer six ans. Après une prudente traversée de la Méditerranée, le catamaran s’aventurera sur l’Atlantique et le Pacifique. Au total, 101 escales sont programmées, de Cuba à Nouméa en passant par Goa, chacune associée à une thématique.

« Le premier but est d’aller chercher des solutions durables là où elles se trouvent, et de voir les hommes qui sont à l’origine de ces idées », explique Jérôme Delafosse. S’il reste à trouver des financements pour cette longue expédition, pas moins de 4,2 millions d’euros par an, notamment pour mettre en place une exposition itinérante, l’équipe se dit « confiante ». Et renvoie vers l’histoire de son mentor, Solar Impulse, qui a réalisé « ce qu’on disait impossible ».

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