Cela fait tout juste dix ans qu’est né le Programme OceanoScientific, sur l’idée simple que je mûrissais déjà depuis plusieurs années, d’imaginer que les équipages engagés dans les courses autour du monde sous les trois grands caps continentaux : Bonne Espérance (Afrique du Sud), Leeuwin (Australie) et Horn (Amérique du Sud), dans des mers peu ou pas fréquentées en dehors de quelques voiliers, devraient pouvoir collecter des informations utiles aux scientifiques en charge de l’étude du changement climatique. Une rencontre avec quelques éminents scientifiques, le 14 novembre 2006, dont Jean-Claude Gascard, Nicolas Metzl, Fabienne Gaillard et Laurence Eymard, scella l’affaire. A ceci prêt qu’aucun matériel n’existait alors pour équiper un petit navire, notamment les seize mètres du bolide tout en carbone qui allait devenir l’OceanoScientific Explorer, ni qu’aucun budget n’était disponible, voire même envisageable du côté des instituts scientifiques pour de tels développements. Même si la donnée est transmise gratuitement aux instituts en question, qui mobilisent déjà d’importants moyens humains et techniques pour l’étudier.
Les premières années (2006-13) ont été consacrées à la conception, aux tests en navigation un peu partout sur le Globe, spécifiquement dans le Grand Nord à bord de La Louise de Thierry Dubois, comme en Antarctique à bord du trois-mâts Bark EUROPA et à la validation de ce matériel innovant : l’OSC System, développé par un consortium composé des sociétés : SailingOne, que je dirige et qui avait alors pour principale activité l’organisation, depuis 1990, du Trophée Clairefontaine des Champions de Voile et SubCtech, spécialiste allemand de l’équipement scientifique de navires de fort tonnage ; ainsi que des instituts : Ifremer (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer) et Météo-France. Résultat, l’OSC System collecte automatiquement toutes les six secondes les données de dix paramètres à l’interface océan – atmosphère : cinq à la surface de la mer par un système de pompage d’eau sous la coque et cinq en l’air, grâce aux capteurs installés dans le mât. Arme secrète de cet OSC System, son intelligence : l’OSC-Software, conçu en collaboration avec les ingénieurs de IBM Nice et mis en forme par Dimitri Voisin, le sorcier informatique du Team Mer Agitée de Michel Desjoyeaux.
Bref, cet OSC System est le fruit d’un cocktail de compétences de spécialistes du matériel purement scientifique et de ceux qui savent gagner les courses océaniques sur des voiliers soumis à toutes les agressions redoutées par le matériel informatique : humidité, ambiance saline, chocs permanents. Quant aux capteurs eux-mêmes, ils sont sélectionnés par les scientifiques en charge de l’étude des différents paramètres explorés : température, salinité, acidité de l’eau de mer, pression partielle de carbone et fluorescence, pour la partie océanographique ; force et direction du vent réel, température de l’air, humidité et pression atmosphérique pour le reste.
Tout comme il collecte automatiquement les données toutes les six secondes, c’est-à-dire sans intervention de l’équipage, l’OSC System transmet tout aussi automatiquement, par satellite toutes les heures, à H + 02’, les données collectées aux centres de traitement internationaux grâce aux relais mis en œuvre par Météo-France.
En matière de navigation, une des situations les plus compliquées que je vais avoir à gérer en solo est justement ce que je vis actuellement : la sortie de la Méditerranée. Conditions changeantes, souvent éloignées des prévisions météo tellement cette zone maritime est soumise à l’influence de systèmes qui s’opposent, surtout au niveau des Baléares : absence de vent ou brises violentes et contraires ; forte densité de cargos et autres tankers et paquebots, surtout à l’approche de Gibraltar, mais également à proximité de tous les grands ports auprès desquels je vais naviguer ; flottilles de pêche aux trajets incertains en action de pêche… Bref, de quoi adopter un mode ne navigation identique à celui des coureurs solitaires : tout le temps aux aguets, avec que de courtes période de repos. Bref, vivement l’immensité de l’Atlantique, la liberté et la promesse de quelques bonnes heures de sommeil