Mais Qin Yusheng, 55 ans, l’un des derniers laboureurs de la mer, ne tardera pas à prendre sa retraite et à vendre ses bêtes: la pêche traditionnelle à la méduse se transforme, et les cochers qui allaient chercher les prises à bord des chalutiers mouillant dans les eaux peu profondes de la mer Jaune vont bientôt disparaître.
Les bateaux débarquent désormais directement leur cargaison le long d’une jetée en béton construite près de Xianrendao, dans la province du Liaoning. Les méduses, prisées dans la cuisine chinoise, sont chargées dans des camions qui les acheminent vers des usines de la région.
« Je n’ai plus le choix: je vais prendre ma retraite », témoigne Qin Yusheng, qui se contente désormais de récupérer des petites prises, comme des crabes.
Wang Fenghu, lui, a vendu ses bêtes il y a une dizaine d’années avant d’ouvrir une petite épicerie. « Je n’ai pas encore vendu ma charrette », dit-il, « mais elle est bonne pour faire du feu de bois ».
Le commerce de la méduse marche plutôt bien, la production étant destinée au marché chinois mais aussi exportée vers le Japon ou la Corée du Sud.
Mais les animaux se font rare et les prix montent, racontent les habitants, qui montrent du doigt une usine chimique construite à proximité.
« Elle déverse ses eaux usées dans la mer. Ce n’est pas bon pour les fruits de mer », accuse Qin Yusheng.
L’homme continue cependant ses allées et venues en direction des chalutiers mouillant au large.
« J’essaye de faire le plus de trajets possible mais je ne suis plus tout jeune », raconte-t-il. Quand les mules rechignent, « le soir je suis à bout de forces ».
Qin Yusheng a pris sa décision: « l’an prochain nous les vendrons », dit-il, soit à des paysans, soit à l’abattoir. « Ca nous fend le coeur mais nous n’avons pas le choix ».