Rungis prépare Noël malgré les vents et marées contraires

Dans les hangars de la ville-marché, autant de quartiers à thèmes baptisés ‘marée’, ‘traiteurs’, ‘fromage’ ou ‘fleurs’, les cagettes s’amoncellent, formant des gratte-ciel odorants en transit.

Même lorsque Paris dort, son garde-manger fourmille au rythme des centaines de camions qui arrivent et repartent remplis de marchandises.

« C’est très frustrant pour un commerçant de ne pas pouvoir livrer un client fidèle »: Antoine Boucomont fait un peu grise mine.

Le président de Le Delas, présentée comme « la grande épicerie des chefs », assure avoir dû décliner une commande de 50 kilos de foie gras à l’export, conséquence de l’épidémie de grippe aviaire qui a eu lieu l’an dernier.

Concernant l’épisode de grippe aviaire de cette année, Antoine Boucomont l’affirme : « on ne sait pas du tout quelle va être l’influence » sur l’approvisionnement en foie gras.

« J’ai entre 110 et 130 palettes à vendre sur le mois de décembre, je ne les aurai jamais », regrette Gino Catena, surnommé « le roi de la volaille », au milieu des dindes et des chapons.

Le PDG de la société Avigros, coiffé de son chapeau, craint lui aussi une « pénurie » de foie gras.

Lorsqu’on évoque un possible effet d’aubaine sur les prix causé par cette raréfaction, il avertit: « le porte-monnaie de la ménagère n’est pas élastique, il faut être raisonnable ».

M. Boucomont évoque également des problèmes de pénurie dans le saumon fumé. Les professionnels du secteur ont en effet averti d’une pénurie causée par les ravages d’une micro-algue sur la production chilienne, la deuxième du monde.

Lorsqu’on lui demande si il envisage de surenchérir pour s’approvisionner, la réponse fuse: « nous l’avons déjà fait. Les prix ont augmenté de façon très significative, une hausse de l’ordre de 15% », soit 6 euros de plus au kilo, au prix de gros.

Cette « tension » sur les prix est « renforcée par le phénomène de fin d’année », souligne-t-il.

– Décembre,’un mois double’ –

Car les semaines qui précèdent Noël font perdre la tête au marché de Rungis, touché par un pic d’activité aussi brutal qu’attendu.

Dans le hangar de la marée, sous les guirlandes et autres boules de Noël, coquilles Saint-Jacques de Honfleur, amandes de mer, et autres mérous du Sénégal sont patiemment remballés.

Alors qu’il s’y écoule habituellement « 200 tonnes de marchandises par jour, on monte à 500 tonnes avant Noël », explique Leila Royer, responsable du marketing de Reynaud, grossiste de la mer.

Décembre, « c’est un mois double, en plus sur des produits à forte valeur ajoutée », explique David Bourganel, directeur du développement du marché de Rungis.

Sur les trois premières semaines de décembre, pas moins de 150.000 tonnes de marchandises sont écoulées, soit le point d’orgue d’une année à 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Le dirigeant de Rungis tempère les inquiétudes des commerçants de foie gras: « nous aurons de la marchandise, il ne faut pas faire de catastrophisme. Ils sont commerçants, ils font monter la pression, c’est normal », glisse-t-il dans un sourire.

S’il souligne qu’il faut « être attentif à soutenir nos filières, à valoriser nos producteurs français », il relève que la France, du fait du nouvel épisode de grippe aviaire, ne peut exporter hors de l’Union européenne, « donc il y a de la marchandise ».

Ce nouvel épisode est « sans commune mesure avec ce qu’on a connu l’année dernière », estime pour sa part Frédéric Masse, du foie gras éponyme.

« On a demandé aux charcutiers de fabriquer en avance, donc il y aura du foie gras », assure-t-il. Il sera en revanche 30% plus cher, un phénomène « durable, en raison des mesures prises l’an dernier par les éleveurs », pour sécuriser leur production.

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