Le Chili veut produire plus de saumon… sans provoquer d’hécatombe

Le pays sud-américain sort tout juste d’une crise violente qui a décimé 20% de sa production en 2016, passée de 883.102 à 727.811 tonnes. Asphyxiés par une prolifération de micro-algues, des millions de saumons avaient péri.

Le carnage, chez le deuxième producteur mondial après la Norvège, a eu un effet radical, faisant flamber les prix de 40% par rapport à 2015.

Pour le Chili, l’heure est désormais au retour à la normale, l’occasion de « réfléchir et agir de façon à avoir une stabilité et une bonne viabilité sur le moyen et le long terme » tout en baissant les coûts, explique à l’AFP Felipe Sandoval, président du groupement de producteurs Salmon Chile.

Mais la perspective inquiète les écologistes. « La demande de saumon n’est pas soutenable », affirme Liesbeth van der Meer, directrice de l’ONG Oceana-Chili.

Selon elle, « il y a une certaine charge environnementale que le système ne supporte plus, et une fois dépassée une certaine quantité de saumons, il explose ».

L’appétit pour ce poisson à chair grasse semble pourtant insatiable: chaque année la demande mondiale grimpe d’environ 10%.

Pour les défenseurs de l’environnement, il est impossible de produire plus de 700.000 tonnes de saumon, comme le prévoit cette année le secteur chilien, sans abîmer l’écosystème de la Patagonie, sa zone d’élevage.

Car le saumon est carnivore: pour en produire 190 grammes, il faut lui fournir pas moins d’un kilo de poissons, comme l’anchois.

Liesbeth van del Meer estime qu’un niveau raisonnable, pour préserver la nature chilienne, serait d’environ la moitié de la production actuelle.

Et elle s’inquiète que les effets de cette industrie dans les trois régions chiliennes productrices de saumon (Los Lagos, Aysén et Magallanes) ne fassent l’objet d’aucune étude.

Car les grandes densités de saumons – une espèce introduite artificiellement dans les eaux du sud du Chili il y a 20 ans – ne sont pas seulement néfastes à l’environnement; elles le sont aussi pour le poisson lui-même. Stressé, il tombe plus facilement malade, selon la directrice de l’ONG.

– Une région comme exemple –

Pas étonnant alors que le secteur chilien du saumon soit si friand en antibiotiques.

Sur l’année, il en a utilisé 382,5 tonnes, soit une baisse de 31% sur un an, mais ce niveau reste encore 700 fois supérieur à celui du premier producteur mondial, la Norvège, selon Oceana-Chili.

Le risque, selon les écologistes, est de donner naissance à des « super-bactéries », résistantes à tout traitement.

Cela ne freine pourtant pas l’appétit des consommateurs des Etats-Unis, du Japon, du Brésil et de l’Union européenne, principaux acheteurs du saumon chilien, exporté à 99%.

Pour les autorités, « si les paramètres sanitaires et environnementaux sont respectés, l’industrie peut croître », indique à l’AFP Eugenio Zamorano, chef de la division aquaculture du Sous-secrétariat à la pêche (Subpesca).

Et en cas d’alerte sanitaire, on peut obliger à réduire la production, assure-t-il.

Ce fut le cas en 2007, quand une partie des poissons avaient été dévastés par le virus de l’anémie infectieuse ISA: l’Etat avait réagi en abaissant les densités maximales de saumon à 17 kilos par mètre cube.

Il imposera aussi de nouveaux contrôles à partir de 2018.

L’avenir réside peut-être dans la région de Magallanes, qui fait figure de bonne élève: dès le départ, les élevages de saumon y ont été restreints et les contrôles renforcés, tandis que ses eaux très froides présentent des conditions sanitaires idéales, permettant d’y utiliser moins de 1% des antibiotiques généralement administrés aux saumons chiliens.

« Magallanes ouvre une possibilité pour un développement durable de l’activité », estime M. Zamorano, ce qui est justement l’objectif du gouvernement vis-à-vis d' »une activité économique qui génère de l’emploi et des devises » pour le pays.

En 2016, le saumon a ainsi rapporté 3,8 milliards de dollars au Chili, générant plus de 70.000 emplois directs et indirects.

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