Le « thermomètre » des paléoclimatologues sur la sellette

Les scientifiques en déduisent que le réchauffement global actuel pourrait potentiellement être « sans précédent » sur les 100 derniers millions d’années.

L’étude de ces géochimistes, publiée dans Nature Communications, constitue une sorte de pavé dans la mare des paléoclimatologues qui utilisent depuis les années 1950 ce « paléothermomètre » aidant à bâtir les modèles actuels sur le réchauffement climatique.

« Jusqu’à maintenant, on pensait qu’il y a 100 millions d’années, sous le Crétacé, l’océan profond était 15 degrés plus chaud qu’actuellement et qu’il avait refroidi continûment jusqu’à il y une dizaine de millions d’années environ », déclare à l’AFP Sylvain Bernard, principal auteur de l’étude.

Selon ces évaluations, l’eau des océans profonds était à l’époque proche de 20 degrés Celsius au lieu des 3,5 degrés actuels, ajoute ce géochimiste du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) à Paris.

L’équipe de chercheurs français et suisses estime pour sa part avoir démontré en laboratoire que « le +thermomètre+ utilisé n’est pas fiable et que toutes les interprétations qui ont été faites à partir de lui sont fausses », selon Sylvain Bernard.

« Les océans du passé n’étaient pas forcément plus chauds que les océans actuels. C’est pour cela que l’on dit que le réchauffement climatique actuel n’a peut-être pas de précédent », explique-t-il.

Le « paléothermomètre » utilisé depuis les années 1950 pour évaluer la température des océans dans un lointain passé, repose sur l’étude d’organismes marins microscopiques, les foraminifères, qui ont une sorte de coquille calcaire appelée « test ». Il a été montré que la teneur en oxygène 18 de ces coquilles dépend de la température de l’eau dans laquelle ces organismes vivent.

Mais le consortium rassemblant des chercheurs de l’Institut de minéralogie IMPMC de Paris et de l’Ecole Polytechnique de Lausanne notamment a voulu voir si d’autres facteurs pouvaient faire varier la teneur en oxygène 18 de ces coquilles fossiles.

Ils ont constaté que si on plongeait les foraminifères fossiles dans de l’eau à 300 degrés, leur teneur en oxygène 18 était multipliée par 500 après trois mois d’immersion, sans que leur aspect ne bouge. « Cela montre que la teneur en oxygène 18 des tests des foraminifères peut changer après leur mort sans laisser de traces visibles », soulignent-ils.

Les chercheurs ont également calculé l’effet de l’enfouissement des foraminifères dans les sédiments. Selon eux, l’augmentation de la température au sein des sédiments (qui atteint environ 25 degrés) liée à leur enfouissement en profondeur modifie la teneur en oxygène 18 des tests de foraminifères fossiles. Celle-ci peut donc avoir varié après leur mort.

« Cet effet n’a pas été pris en compte. Les données sur la températures des océans dans le passé sont de ce fait biaisées », estime Sylvain Bernard.

Or la plupart des modèles climatiques actuels sont « calibrés » sur l’évolution des températures dans le passé. « Dans la mesure où les estimations des températures passées de l’océan sont sans doute totalement fausses, les modèles risquent également d’être faux », dit-il.

« Si nous sommes dans le vrai, notre étude remet en cause des décennies de recherche en paléoclimatologie », souligne Anders Meibom, de l’Ecole Polytechnique de Lausanne.

Sylvain Bernard dit « s’attendre à ce que certains paléoclimatologues soient très critiques. »

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