En cause, les longs mois de sécheresse qui ont fait plonger les niveaux du Rhin à des plus bas historiques, enrayant le transport fluvial sur cette artère clé pour l’économie européenne et la production industrielle rhénane.
« Depuis la semaine dernière, nous n’accueillons plus de bateaux à Cologne, ils s’arrêtent à Duisbourg », indique à l’AFP Oliver Grossmann, directeur de l’entreprise de transports CTS, ajoutant qu’en temps normal ce sont « trois et quatre (navires) par jour » qui accostent.
Les quelques barges qui circulent encore ont dû drastiquement réduire leur cargaison afin d’éviter qu’elles s’échouent.
Au départ de Cologne, « nous n’avons plus que des liaisons ferroviaires », mais celles-ci ne peuvent compenser la paralysie du transport fluvial, faute d’infrastructures de locomotives et de conducteurs en nombre suffisants, explique l’entrepreneur, depuis son bureau surplombant des rangées de conteneurs.
– 77 cm –
A l’entrée du port de Duisbourg, une petite tour abrite une station de mesure du niveau du Rhin. Sur son toit se dressent deux panneaux LED: 1,55 mètre.
« Il s’agit du niveau le plus bas jamais mesuré ici », souligne Jan Böhme, hydrologue de l’Agence fédérale des eaux et de la navigation.
A Cologne, le précédent record de 81 cm enregistré en 2003 a été largement battu vendredi, plongeant à 77 cm. Presque partout, sur le plus long fleuve d’Allemagne, la situation se répète.
« Depuis juillet, les niveaux sont bien inférieurs à ce qu’on observe normalement en cette saison », explique M. Böhme, notant qu’en octobre les niveaux se situent généralement entre 3 et 4 mètres.
Cet été, les températures, au-dessus de 30°C, et les précipitations très limitées ont constitué, selon le ministère allemand de l’Agriculture, « la phase d’anomalie de température la plus marquée » depuis le début des mesures climatiques en Allemagne en 1881. Un événement compatible, selon les autorités, avec certains des effets attendus du changement climatique même si le lien n’est pas prouvé.
Et c’est une large partie de l’Europe qui est concernée par le phénomène. En Allemagne, outre le Rhin, le transport fluvial est aussi très perturbé sur l’Elbe, fleuve qui dessert Hambourg, le plus grand port maritime du pays.
« La phase de sécheresse est exceptionnellement longue », note donc M. Böhme, pour qui le retour attendu de la pluie dans la deuxième partie de la dernière semaine d’octobre dans l’ouest de l’Allemagne n’inversera pas la tendance.
« Pour que les niveaux (du Rhin) remontent de manière durable, il faut une pluie longue, intensive et très étendue », notamment dans le sud du pays, où se trouvent les principaux affluents, explique l’hydrologue.
– Économie rhénane au ralenti –
L’assèchement du Rhin est particulièrement problématique pour l’économie allemande. En 2017, 186 millions de tonnes de marchandises ont été transportées entre Bâle et la frontière germano-néerlandaise, soit près de la moitié du transport fluvial européen, selon la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin, basée à Strasbourg.
Car le fleuve constitue un passage crucial pour des produits finis, mais aussi pour les matières premières destinées à l’industrie du bassin rhénan.
Le géant industriel Thyssenkrupp a ainsi dû « réduire la production » dans son usine de Duisbourg car « l’approvisionnement en matières premières ne peut être assuré de manière suffisante », indique un porte-parole du groupe.
Le chimiste BASF a lui « adapté » sa production en raison des livraisons « limitées » de matières premières à son usine de Ludwigshafen.
Le groupe énergétique RWE peine lui à approvisionner sa centrale de Hamm en charbon. A Cologne, même les embarcations de tourisme et les bacs sont à l’arrêt.
La baisse du niveau de l’eau engendre aussi son lot de découvertes d’épaves et d’objets en tout genre sur les berges et sous les ponts de la ville.
Les vélos et autres encombrants sont légion. Plus dangereux, une bombe de 50 kilos de la Seconde Guerre mondiale a aussi été mise au jour par la décrue et a dû être désamorcée.
ys/alf/lch
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