« Ca va bien, mais on espère traverser tous ces écueils », a lancé vendredi devant la presse Yves Lyon-Caen, le président de la Fédération des industries nautiques (Fin), à propos de la somme d’incertitudes se profilant à l’horizon pour le secteur réuni porte de Versailles.
Les estimations de la Fin pour la saison 2018, achevée le 31 août, confirment le bon bilan dressé par son président: le chiffre d’affaires annuel de la filière devrait passer de 4,8 milliards d’euros à 5,2 milliards, et quelque 1.500 embauches devraient avoir été enregistrées au cours de la saison écoulée, pour porter le nombre d’équivalents temps plein du secteur à 43.000 salariés.
Mais dans une filière qui a exporté 75% de sa production à l’étranger en 2017, le taux d’export est une donnée également surveillée comme le lait sur le feu. Selon les chiffres de la Fin, il devrait encore progresser lors de la saison 2018, pour se hisser à 76%.
Pour autant, a alerté M. Lyon-Caen vendredi, « si la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine voulait bien véritablement s’arrêter et ne pas attendre les derniers tweets du président Trump, ça pourrait nous aider ».
Autre motif d’inquiétude: le Brexit, particulièrement en cas de rupture sèche entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
« Si on va vers un Brexit dur parce que (Theresa) May, renversée, perd sa majorité parlementaire, ça aura probablement un impact lourd sur toute l’économie britannique, et je ne vois pas comment le nautisme pourrait y échapper », a averti M. Lyon-Caen, tout en assurant que pour l’instant aucun « ralentissement ample et brutal » du marché ne s’était produit outre-Manche.
L’Italie et l’Allemagne, deux marchés d’exportation historiquement importants pour l’industrie nautique française, suscitent elles aussi des interrogations.
Interrogé par l’AFP, Yves Lyon-Caen a ainsi qualifié d' »élément de risque » la « non-conformité italienne du point de vue des politiques financières et budgétaires » qui, si elle débouchait sur un « ralentissement économique important », pourrait pénaliser les entreprises françaises, « très présentes sur ce marché ».
Quant à l’Allemagne, c’est son statut de première économie européenne et la fragilité de la coalition gouvernementale fédérale qui préoccupent le président de la Fin.
Des craintes justifiées par le fait que l’Amérique du Nord et l’Europe sont les deux principales régions d’exportation de l’industrie nautique française, « le reste du monde représentant 20% du volume de consommation », selon Yves Lyon-Caen.
-Pas de basculement-
Face à tous ces risques, certes pas toujours concrétisés, le salut résiderait-il dès lors dans la fuite ? Fabien Métayer, le délégué général de la Fin, reconnaît prospecter de nouveaux marchés.
« Sur la filière sports, on est en train de regarder de très près les attentes de certaines zones autour de l’Etat de Cancun au Mexique, autour de la Colombie », a-t-il affirmé vendredi à l’AFP, à la veille de l’ouverture du Nautic Festival.
« Le marché chinois peut être intéressant à étudier », a-t-il ajouté, malgré ses « contraintes » et sa « sociologie différente de la nôtre. »
Mais de là à amorcer un basculement profond de la structure de marché de la filière, il y a un pas que M. Lyon-Caen juge prématuré de franchir: « Par leur dimension, leur profondeur, leur vitalité, les grands marchés restent l’Amérique du Nord et l’Europe. Cette situation est susceptible d’évoluer et elle évoluera très vite, mais pour l’instant elle est assez stable. »
Et même si les équilibres commerciaux venaient à se troubler, le navigateur Michel Desjoyeaux défend l’adaptabilité de l’industrie nautique française.
« Si la filière française se porte bien notamment à l’export, c’est parce que c’est une filière qui bouge », soutient le double vainqueur du Vendée Globe, venu lancer le Salon.
« On envisage ça (la saison à venir) avec sérénité, mais beaucoup de vigilance, d’attention, parce que la manoeuvre sera rapide », conclut, en marin avisé, M. Lyon-Caen.