Bruxelles propose d’interdire sous deux ans le chalutage en eaux profondes

La proposition de règlement élaborée par la commissaire à la Pêche Maria Damanaki met en place un système d’autorisations de pêche en eaux profondes dans l’Atlantique nord-est.

Et elle propose au passage d’interdire « au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur » de la nouvelle réglementation le recours à des chaluts de fond ou à des filets maillants de fond.

« Parmi tous les engins de pêche, ce sont les chaluts de fond utilisés pour la pêche profonde, qui présentent le plus de risques pour les écosystèmes marins vulnérables et qui enregistrent les taux les plus élevés de captures non désirées d’espèces d’eau profonde », explique la Commission européenne.

De fait, ces types de pêche, qui raclent les fonds marins, engendrent quelque 20 à 40% de prises accessoires, non désirées. Or beaucoup de poissons d’eaux profondes mettent des années à parvenir à maturité pour se reproduire et sont particulièrement menacés, à l’instar des requins d’eau profonde.

Le sabre noir et la dorade rose sont des espèces d’eau profonde à haute valeur commerciale, alors que d’autres espèces comme la lingue bleue et les grenadiers n’ont qu’une valeur moyenne.

En revanche, l’interdiction ne s’appliquerait qu’aux pêcheries ciblant spécifiquement les espèces d’eaux profondes et ne reviendrait pas à une interdiction totale de la pêche au chalut de fond dans les eaux de l’UE.

Alors qu’il s’était opposé à la proposition la semaine dernière, le commissaire européen au Marché intérieur, le Français Michel Barnier, a fini par lever jeudi ses objections sans modifier le texte, a-t-on appris de sources européennes.

En revanche, le ministre français délégué à la Pêche, Frédéric Cuvillier, a d’ores et déjà annoncé qu’il s’opposerait à une telle interdiction « sans discernements » de certains engins de pêche, qui aurait selon lui « de très lourdes conséquences socio-économiques et ne serait pas acceptable ».

Il avait eu lundi un tête-à-tête avec Mme Damanaki « afin d’insister une nouvelle fois sur l’importance de la pêche profonde pour l’économie de plusieurs ports et armements français, et ainsi de donner une chance à un dialogue constructif avec la Commission européenne », avaient indiqué ses services dans un communiqué.

Les navires directement concernés sont surtout français, espagnols et portugais. Une dizaine de bateaux et environ 500 emplois directs seraient concernés en France, principalement à Lorient, mais aussi à Boulogne-sur-mer, Concarneau et Le Guilvinec.

Les élus bretons ont dénoncé dans un communiqué « une décision inacceptable qui ne s’appuie sur aucun rapport scientifique récent », assurant que ce projet « signerait la mort de la pêche de grands fonds en Europe ».

« Si la pêche de grands fonds a pu causer des problèmes environnementaux à la fin du XXe siècle, la prise de conscience des professionnels a permis depuis de diminuer son empreinte écologique d’un facteur 4 et en a fait une des pêches les plus durables d’Europe », assurent-ils.

Ils alertent aussi sur les conséquences socio-économiques « catastrophiques » qu’un tel projet aurait en Bretagne avec « des centaines d’emplois directs perdus ».

La flotte de pêche du groupe de distribution Intermarché notamment est concernée, selon l’ONG de défense de l’environnement Bloom. Celle-ci a salué le « courage » de la Commission européenne de vouloir « mettre fin à une aberration écologique et économique ».

Selon Saskia Richartz, de Greenpeace, cette pêche compte parmi « les plus destructrices, les plus consommatrices en carburant et les plus dépendantes des subventions européennes ».

En outre, la plupart des espèces exploitées en eaux profondes sont associées à des écosystèmes vulnérables qui sont extrêmement sensibles à l’impact destructeur de ces pratiques de pêche, souligne pour sa part Xavier Pastor, d’Oceana Europe.

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